La brève épopée de l’aviation à Granby
Le Granby Aero Club est fondé en juin 1928, un an après que Charles Lindbergh ait réussi la traversée New York-Paris sans escale à bord du Spirit of St-Louis. À la suite de cet exploit de dimension planétaire, toute une génération de jeunes hommes téméraires voudra apprendre à piloter.
Mario Gendron
Publié le 21 juillet 2010 | Mis à jour le 11 septembre 2024
Publié dans : Transport
Installé sur les hauteurs de la ville, le Granby Aero Club est fondé en juin 1928, un an après que Charles Lindbergh ait réussi la traversée New York-Paris sans escale à bord du Spirit of St-Louis. À la suite de cet exploit de dimension planétaire, toute une génération de jeunes hommes téméraires voudra apprendre à piloter. Traduisant parfaitement leur état d’esprit, Walter Deisher, le président du Ottawa Flying Club en visite à Granby, affirmait: « Il n’y a aucun sport dans le monde qui puisse se comparer à celui de voler ». Cet engouement pour l’aviation est à l’image d’une fin de décennie électrisante, portée par une économie qui s’emballe et une confiance sans bornes dans les progrès de la science et de la technologie. Or après deux décès et quelques exploits mémorables, le Granby Aero Club cessait ses activités au printemps de 1930, emportant dans la tourmente de la Crise le rêve de voler d’une centaine d’élèves.
Le capitaine Christmas Evans
Parmi ceux qui incarnent le mieux la brève épopée de l’aviation à Granby, Christmas Evans arrive en tête de liste. Cet Anglais de 31 ans, que les hasards d’un métier aussi dangereux qu’exigeant ont conduit au Canada, arrive à Granby à l’automne 1928, laissant femme et enfant outre-mer, pour agir comme instructeur à l’école de pilotage de l’Aero Club. Il remplace Harold E. Masse qui s’est tué quelques semaines plus tôt lors d’une sortie avec son élève-pilote, Émile Isabelle, qui a survécu miraculeusement.
En mars 1929, le destin offre à Evans l’occasion de démontrer que l’aviation est plus qu’une activité réservée aux casse-cous et qu’elle peut contribuer à sauver des vies. Le destin emprunte ici le visage du docteur George Runnells qui, dans l’impossibilité de se rendre à Boscobel, à plus de 50 kilomètres de Granby, pour soigner un enfant très malade, demande au capitaine Evans de l’y conduire par la voie des airs, les dernières tempêtes de neige ayant rendu les chemins impraticables pour les attelages. Ainsi, quinze minutes après le départ de Granby, l’avion atterrissait à Boscobel au lieu désigné, derrière la grange rouge de M. Hackwell.
Au mois de mai 1929, le capitaine Evans faisait encore la manchette, cette fois pour avoir établi, aux commandes de son appareil Gypsy Moth, un record de vol de trois heures quinze minutes entre Toronto et Granby.1
Pendant que le docteur prodiguait des soins à l’enfant, un rouleau à neige préparait la piste pour le décollage. Parce qu’il s’agissait d’un événement somme toute extraordinaire, les écoliers de Boscobel avaient été autorisés à quitter la classe pour assister à l’envol du petit appareil, qui retourna à Granby sans encombre. Grâce à cet exploit, la notoriété du capitaine Evans, jusque-là restreinte au cercle des amateurs d’aviation, devenait générale.
Comme bon nombre d’aviateurs de cette époque, le capitaine Evans perdra la vie de manière accidentelle; dans son cas, ce sera devant des milliers de personnes lors d’un spectacle aérien donné à l’Aero Club. Selon les témoignages de plusieurs spectateurs, l’avion de Evans se serait totalement disloqué au cours d’une manœuvre risquée, précipitant le fuselage au sol d’une hauteur de 150 mètres. L’aviateur sera transporté d’urgence à l’hôpital du docteur Lord, où l’on constatera son décès.
Les accomplissements et la mort tragique de Christmas Evans inscrivent son nom dans l’histoire de Granby, et ce, malgré qu’il y soit demeuré moins d’un an. Le jeune aviateur trouvera le repos dans le cimetière protestant de la rue Cowie, laissant doublement dans le deuil sa femme et son enfant, restés en Angleterre.
Capt. Christmas Evans – Royal Flying Corps- Born 1898 – Died 1929 Native of Skewan Wales, pilot world war 1 and instructor of the Granby Flying Club killed in a flight accident may 12 1929. This memento erected by Royal Canadian Air Force Association and Friends – 1955. (©SHHY, Chantal Lefebvre, photographe)
Le grand rassemblement aérien du 1er juillet 1929
Selon le Sherbrooke Record, le rassemblement aérien présenté à Granby le 1er juillet 1929 est le plus important du genre de l’histoire des Cantons-de-l’Est. Ce jour-là, environ 15 000 spectateurs, soit plus que la population de la ville, se rendent sur les terrains de l’Aero Club pour assister, entre autres prouesses, au jeu du bombardement et à une course de 55 km; trois personnes auront aussi la chance d’effectuer un vol gratuit dans un des avions de passagers, encore rares à l’époque. Une vingtaine d’appareils participent aux compétitions. Parmi les pilotes, on remarque la présence de Howard Jones, du Ottawa Flying Club, rendu fameux pour être le plus jeune aviateur canadien à obtenir son permis de voler, à l’âge de 17 ans.
Au signal du maire de Granby, Ernest Boivin, les festivités s’engagent par le décollage de tous les avions et leur survol de l’aérodrome à basse altitude. Cette ouverture spectaculaire et bruyante terminée, ce sont les boucles et les acrobaties du capitaine A. E. Golds, instructeur en chef au Montreal Light Aeroplane Club, qui captivent l’attention des spectateurs, le vol qu’il effectue à la renverse étant particulièrement prisé des amateurs d’émotions fortes.
Après la compétition du Dead stick landing, qui consiste à poser son appareil le plus près possible d’un bâton placé sur la piste d’atterrissage, le public a droit à un des moments forts de la journée : une course de 55 km dont le vainqueur se verra décerner une coupe en argent, gracieuseté du détaillant McColl-Frontenac Oil, et un prix de 200 $, donné par l’Imperial Tobacco. Au cours de cette compétition au trajet triangulaire, les avions doivent d’abord se diriger vers Adamsville, bifurquer en direction de Waterloo, puis revenir à leur point de départ. Le retour des appareils, dit-on, fut un spectacle extraordinaire. C’est au capitaine Maynard, d’Ottawa, que reviennent les honneurs d’avoir effectué le trajet le plus rapidement.
Suivante au programme, la compétition de bombardement rappelle les jours pas si lointains de la Première Guerre mondiale. Mais plutôt que de larguer des bombes, ce sont des sacs de farine que les pilotes tentent de placer le plus près possible du centre d’un cercle de 18 mètres de diamètre. Parmi les rares compétiteurs qui réussissent à atteindre la cible, c’est le plus jeune de tous, Howard Jones, qui remporte la compétition.2
Outre les petits appareils mieux connus du public, comme les Gipsy Moth et les Reid Rambler, le rassemblement aérien du 1er juillet 1929 permet d’observer plusieurs avions de plus grande envergure, dont le nombre s’accroît à la fin des années 1920.
- Wallace Tourplane 4 passagers, moteur Kinner
- Waco 3 passagers, moteur Wright J-5
- Eagle Rock 3 passagers, moteur Hisso
- Travelair 6 passagers, moteur Wright
- Pitcairn Super-Mailing de l’International Airways Limited.