Ce bon vieux père Noël
Dès décembre venu, on le voit partout : à la porte des pharmacies, où il sollicite notre générosité pour quelque bonne cause, dans les magasins, où les enfants, assis sur ses genoux, lui confient leur liste de cadeaux, dans les maisons, la nuit de Noël, où il distribue les étrennes dont on rêve depuis des semaines.
Mario Gendron
Publié le 23 décembre 2020 | Mis à jour le 11 septembre 2024
Publié dans : Culture
Dès décembre venu, on le voit partout : à la porte des pharmacies, où il sollicite notre générosité pour quelque bonne cause, dans les grands magasins, où les enfants, assis sur ses genoux, lui confient leur liste de cadeaux, dans les maisons, la nuit de Noël, où il distribue les étrennes dont on rêve depuis des semaines. Accompagné de ses lutins, de son traîneau et de ses rennes, il participe aussi à de multiples défilés dont il est invariablement le personnage central. Le père Noël possède le don d’ubiquité et il semble aussi intemporel que les rêves qu’il incarne.
En région, la première mention concernant le père Noël remonte à 1862. Il s’agit d’une publicité du magasin H. G. Frost, de Granby, parue dans la Eastern Townships Gazette, qui claironne en grosses lettres « Santa Claus is coming » et qui convie les consommateurs à se procurer des jouets pour les enfants en prévision de Noël et du jour de l’An. Le commerce propose aussi des pommes pour glisser dans les bas ou les souliers de Noël, comme c’est la coutume de le faire dans les familles moins fortunées.
Carte de Noël datant de 1885. (©SHHY, fonds Mabel Chambers, P221-D1-P3)
Commencée modestement, la carrière du père Noël prend son envol avec la commercialisation du temps des Fêtes. Au début du XXe siècle, cédant au vent de renouveau qui emporte la période, son image se modernise, comme le montre une publicité de décembre 1912 où on le voit, sans son traîneau et sans ses rennes, au volant d’une automobile décapotable chargée de cadeaux en route vers son quartier général de Granby, le magasin W. D. Bradford. « Cette année, soyez un père Noël à la mode », dit le slogan publicitaire.
Est-ce dans le but d’accélérer ses livraisons que le père Noël a troqué ses rennes et son traîneau pour une automobile? (Granby Leader Mail, 13 décembre 1912, p. 8)
Mais les salaires faméliques que l’on verse dans les usines de Granby et les années noires de la crise économique de 1929 entravent la mission du bon vieillard. Il faut attendre l’amélioration des conditions salariales et l’arrivée des commerces à grandes surfaces, après la Deuxième Guerre mondiale, pour que s’allonge la liste des cadeaux qu’il distribue. Chaque année, désormais, la parade du père Noël, qui aboutit toujours dans l’un ou l’autre des grands magasins de la rue Principale, Woolworth, United, Greenberg ou Zeller’s, attire des foules immenses et rappelle l’inexorable marche vers la société de consommation.
À la suite de l’ouverture des Galeries de Granby, en 1974, les consommateurs tournent le dos à la rue Principale, laissant ses marchands désemparés face aux attitudes nouvelles de leur clientèle. Le déménagement de la majorité des magasins à rayons dans le nouveau centre commercial laisse peu de choix au père Noël qui, lui aussi, doit y transférer son quartier général…jusqu’à ce qu’une manière innovante de consommer vienne bouleverser ses habitudes encore une fois.