Granby et son patrimoine bâti-partie 3
L’architecture patrimoniale scolaire et institutionnelle témoigne des efforts d’encadrement qui, depuis toujours, contribuent à l’avancement social et à la protection des citoyens. Cette catégorie regroupe 15 édifices, 12 institutions d’enseignement, un hôpital, un hôtel de ville et un bureau de poste. L’éventail chronologique de ces constructions s’étend sur près d’un siècle, de 1879 à 1960.
Mario Gendron
Publié le 12 juin 2020 | Mis à jour le 11 septembre 2024
Publié dans : Éducation, Patrimoine
L’architecture scolaire et institutionnelle
L’architecture patrimoniale scolaire et institutionnelle témoigne des efforts d’encadrement qui, depuis toujours, contribuent à l’avancement social et à la protection des citoyens. Cette catégorie regroupe 15 édifices, 12 institutions d’enseignement, un hôpital, un hôtel de ville et un bureau de poste. L’éventail chronologique de ces constructions s’étend sur près d’un siècle, de 1879 à 1960. Dans la majorité des cas, on connaît les architectes qui ont conçu les plans de ces édifices et les entreprises qui les ont construits. Parmi les architectes, René Blanchet, de Québec, et Paul-O. Trépanier, de Granby, ont été les plus actifs.
Sur les 12 établissements scolaires répertoriés, on dénombre neuf écoles d’enseignement général, une école des arts et métiers et deux séminaires (pour la formation des religieux). Les écoles d’enseignement général se divisent en deux catégories, primaire (6) et secondaire (3). Six de ces écoles ont été construites pendant ou après la Deuxième Guerre mondiale afin de répondre à l’augmentation de la population granbyenne, qui passe de 14 000 à 31 000 habitants entre 1940 et 1960.
Les écoles d’enseignement général montrent une architecture conventionnelle assez similaire, dont la sobriété s’accorde bien avec le sérieux de la fonction d’éduquer. Le modèle le plus répandu est l’édifice en brique, de forme rectangulaire, aux fenêtres abondantes et au toit plat. L’aménagement des espaces intérieurs des établissements à fonction unique varie peu de l’un à l’autre : une vaste salle occupe en partie le rez-de-chaussée et, sur chacun des étages, les salles de classe sont réparties de part et d’autre d’un corridor longitudinal. Cependant, les écoles primaire Avé Maria (1955) et secondaire Immaculée-Conception (1959-1960), toutes deux dessinées par l’architecte Paul-O. Trépanier, échappent à l’uniformité architecturale ambiante.
Sur la façade de l’Immaculée-Conception, la présence d’une murale d’Alfred Pellan renforce l’esthétisme du bâtiment. L’histoire de cette école secondaire rend compte de l’évolution rapide de l’éducation au cours des années 1960. Ainsi, d’abord dirigée par des religieuses, l’institution scolaire sera ensuite transformée en polyvalente en 1967, avant de devenir le campus du cégep de Granby au milieu des années 1970.
D’un point de vue historique et architectural, l’école secondaire pour filles Présentation de Marie, du nom des religieuses qui en ont la charge, se démarque des autres institutions scolaires de Granby. D’abord, l’année de sa construction, 1879, en fait la plus ancienne école patrimoniale de la ville; l’architecture de la vieille partie, qui comprend trois étages surmontés d’un toit à mansarde, se distingue ensuite nettement des édifices rectangulaires à toit plat qui forment la grande majorité des écoles patrimoniales identifiées. Deux nouveaux édifices, de facture plus moderne, seront construits en 1894 et en 1903, ce qui permettra à la Présentation de Marie d’accueillir 350 élèves, dont 175 pensionnaires. En 1920, un agrandissement majeur ajoute à l’institution quinze classes, deux dortoirs, une salle de réception, huit salles de musique et une salle de jeu. Dans ce type de bâtiment, le dortoir des enseignantes et des élèves se situe au dernier niveau, les autres étages étant réservés aux salles de classe, au réfectoire, à la chapelle et aux espaces communs. En 1936, à son apogée, le couvent compte 257 pensionnaires et 403 externes. En 1959, l’école élémentaire des Saints-Anges, attenante au couvent, est dévastée par un incendie et ne sera pas reconstruite. La Présentation de Marie ferme définitivement ses portes en 2007, pour être convertie en édifice à logements.
En raison de sa condition de cité ouvrière, Granby est l’une des premières villes du Québec à obtenir une école des arts et métiers, en 1942, d’abord logée dans un ancien garage de la rue Dufferin. Cinq ans plus tard, la construction de l’édifice patrimonial qui nous intéresse, rue Saint-Antoine, confirme le succès de cette initiative. Ce bâtiment aux lignes simples a été conçu par l’architecte Hervé Tardif, également responsable de l’agrandissement de 1957. En une décennie, l’École d’arts et métiers a formé plus de 1 000 travailleurs qualifiés, dont un grand nombre travaille à Granby.
À la différence des écoles d’enseignement général et technique, à l’architecture plutôt sobre et construites au cœur de la ville, les séminaires du mont Sacré-Cœur et du Verbe Divin, respectivement ouverts en 1932 et en 1950 pour la formation des jeunes gens qui se destinent à l’état ecclésiastique, sont des constructions qui se démarquent par leur dimension, le faste de leur architecture et leur situation géographique privilégiée, en retrait de l’agitation urbaine. L’importance de ces bâtiments reflète bien la puissance de la religion catholique dans la société québécoise d’avant la Révolution tranquille.
Dans le cas du plus ancien de ces deux séminaires, le mont Sacré-Cœur, la conception du grand édifice a été confiée à l’architecte Ludger Venne, alors que sa construction a été assurée par la firme Collet et Frères. Le chantier, qui embauche jusqu’à 400 travailleurs, s’enclenche en octobre 1930 et se termine en mars 1932. Détail intéressant, la statue du Sacré-Cœur, qui trône en haut de l’édifice principal, à 118 pieds (36 mètres) du sol, est l’œuvre d’Elzéar Soucy, de Montréal, qui s’est fait connaître pour ses statues en bronze ou en bois de personnages historiques ou religieux, tels Pierre Le Moyne d’Iberville et saint Paul. Le grand portail situé à l’entrée de la propriété des Frères du Sacré-Coeur, rue Denison, date de 1944; une pierre de granite gravée au nom d’Horace Boivin, installée la même année, rappelle que c’est ce dernier qui en a supporté les coûts.
Outre les écoles à caractère laïque ou religieux, trois autres institutions ont été retenues dans le cadre de cette histoire patrimoniale, l’hôpital Saint-Joseph de Granby, l’hôtel de ville et le bureau de poste. Construites après 1940, ces institutions ont en commun d’être des éléments essentiels de la vie en société.
L’hôpital Saint-Joseph de Granby, construit entre 1943 et 1945 selon les plans des architectes Perreault et Gadbois, est un édifice imposant dont la forme architecturale minimaliste est d’abord dictée par la fonction. Malgré quelques variantes architecturales, l’agrandissement de 1978 a d’ailleurs été conçu dans le même esprit qui accorde la primauté à la fonctionnalité. D’un point de vue formel, l’hôpital Saint-Joseph est du type gratte-ciel, c’est-à-dire construit en hauteur, une façon de faire qui se répand à partir de 1930. L’hôpital comprend les installations et les appareils nécessaires au diagnostic et au traitement des malades et des blessés, ainsi que les espaces d’hospitalisation. Dans ce type de construction, les services médicaux et les services connexes sont concentrés aux niveaux inférieurs et on réserve les niveaux supérieurs aux lits d’hospitalisation.
Construit en 1942 par les architectes granbyens Paul-Émile Lapointe et Sheldon Ross, l’hôtel de ville de Granby est un édifice multifonctionnel : on y retrouve les services de police, de pompiers et l’Unité sanitaire, en plus d’une salle de réunion et des bureaux administratifs. Influencé par les grands courants de l’architecture publique, en l’occurrence l’Art déco, le faste de l’hôtel de ville préfigure l’ère de prospérité dans laquelle s’engage Granby.
Le bureau de poste de Granby, situé au coin des rues Saint-Antoine et Principale, est construit en 1954; il remplace celui qui était établi dans le haut de la ville depuis le début du XXe siècle. Affecté à la réception, à l’acheminement et à la distribution du courrier, le nouvel édifice abrite aussi un bureau des douanes et un local de la Gendarmerie royale du Canada. Le style de ce bâtiment, résolument moderne, se retrouve dans plusieurs autres municipalités du Québec, le ministère fédéral des postes optant pour une approche qui privilégie l’uniformité architecturale de ses édifices, et ce, afin de faciliter leur identification d’une région à l’autre.