Le dôme géodésique du zoo de Granby : une œuvre novatrice de Paul-O. Trépanier

Le dôme géodésique du Zoo de Granby
Le dôme géodésique du zoo de Granby (©SHHY, fonds Société zoologique de Granby, P034-S3-D3-P3)

Début des années soixante, un vent de renouveau flotte dans l’air. Le Jardin zoologique de Granby charge l'architecte Paul-O. Trépanier de réaliser un nouvel aménagement. Projet avant-gardiste, le dôme géodésique du zoo est un des premiers du genre au Canada.

Richard Paré

Publié le 10 mai 2017 | Mis à jour le  11 septembre 2024

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Début des années soixante (1960), un vent de renouveau flotte dans l’air. Déjà le zoo de Granby attire 600 000 visiteurs par année, venant surtout de la région de Montréal.  Plusieurs craignent que la métropole se dote de son propre jardin zoologique.  D’autres considèrent que Granby peut justement prétendre au titre de jardin zoologique de la région métropolitaine avec l’annonce de la construction de l’autoroute des Cantons de l’Est qui réduira considérablement la durée du trajet des visiteurs montréalais.  Par ailleurs, la ville du maire Drapeau a de très bonnes chances d’être choisie ville hôte pour la tenue d’une exposition universelle en 1967, ce qui entraînerait un afflux touristique en ce centenaire du Canada.  C’est dans cette effervescente perspective de développement que le conseil d’administration du Jardin zoologique demande à l’architecte Paul-O. Trépanier de réaliser un nouvel aménagement du zoo de Granby.

L’œuvre marquante de ce renouveau sera la construction d’un dôme géodésique — structure sphérique ou hémisphérique complexe, dont les barres géodésiques se croisent pour former un ensemble de triangles courbés — qui servira d’habitat aux futurs ours polaires. Autoporteur, léger, très stable et résistant, l’ouvrage permet un espace optimal sans aucun pilier de soutien et nécessite un minimum de matériaux.  L’architecte Buckminster Fuller, concepteur du pavillon américain à l’Expo 67 (aujourd’hui la Biosphère) a développé cette forme architecturale dès le début des années 1950.

Séduite par la possibilité de transporter ces structures légères par hélicoptère n’importe où dans le monde, l’armée américaine fut une des premières à utiliser le dôme géodésique, notamment pour la réalisation du mégaprojet DEW Line (Distant Early Warning). Cette ligne de défense fut installée dans le nord de l’arctique canadien au milieu des années 50, en pleine guerre froide, afin de détecter toute attaque soviétique.  Plus de 50 stations furent construites, reliant l’Alaska au Groenland sur le 69e parallèle, un des plus gros chantiers de l’Après-Guerre.  Les dômes servaient d’abri pour les antennes du système de radar.

Sans doute inspiré par cette innovation architecturale et ces prouesses techniques, Paul-O Trépanier entame la construction du dôme à l’été 1962. Un premier contrat, pour la partie bétonnée de l’oeuvre, est octroyé au coût de 14 360 $ à l’entrepreneur granbyen Léo Bouthiette.  En ce qui concerne la complexité du concept géodésique, Mr. Trépanier peut compter sur l’expertise de l’architecte montréalais Victor Prus qui a participé aux recherches de Buckminster Fuller à Princeton et qui dessinera les plans du dôme.

Paul-O Trépanier prévoit construire la structure à quelque 500 pieds de l’emplacement pour ensuite héliporter le dôme et le déposer sur ses fondations.  L’armée canadienne est sollicitée mais l’héliportage s’avère plus compliqué et coûteux que prévu.  D’autres méthodes envisagées, telle l’utilisation de ballons gonflés au gaz, furent également rejetées.  Le site, entouré d’arbres, rend toute approche aérienne difficile.  On utilisera finalement une grue sur chenille pour soulever le dôme et le déposer sur ses assises.

Le dernier boulon. De gauche à droite: L'ingénieur Pierre Beaulieu de Montréal qui a établi les calculs de la structure de béton. L'architecte Victor Prus de Montréal qui a préparé les dessins du dôme. M. Carolus Marquis, vice-président de la Société Zoologique de Granby. Le maire de Granby, Horace Boivin. L'architecte Paul-O Trépanier de Granby. M. Marc Drouin, étudiant en architecture de Montréal, coordonnateur de la corvée étudiante.
Le dernier boulon. De gauche à droite: l’ingénieur Pierre Beaulieu de Montréal qui a établi les calculs de la structure de béton. L’architecte Victor Prus de Montréal qui a préparé les dessins du dôme. M. Carolus Marquis, vice-président de la Société Zoologique de Granby. Le maire de Granby, Horace Boivin. L’architecte Paul-O. Trépanier de Granby. M. Marc Drouin, étudiant en architecture de Montréal, coordonnateur de la corvée étudiante. (©SHHY, fonds Jean-Paul Matton, P042-S49-D2-P4)
Une grue sur chenilles soulève une partie du dôme géodésique lors de son assemblage.
Grue sur chenilles. (©SHHY, fonds Jean-Paul Matton, P042-S49-D2-P1)
Seize étudiants en architecture des universités de Laval, Montréal et McGill, grimpés dans la structure du dôme géodésique.
Seize étudiants en architecture des universités de Laval, Montréal et McGill participent à l’assemblage. (©SHHY, fonds Paul-O. Trépanier, P063-S6-SS1-SSS3-D26-P15)

Selon Victor Prus, le dôme du zoo est une « interprétation » du système géodésique inventé par Buckminster Fuller. Il est fabriqué à l’aide de tubes d’aluminium à l’intérieur desquels sont introduites des pièces de bois de cèdre créosotées. Reliés entre eux par des disques d’aluminium, les tubes s’entrecroisent pour former des triangles.  Afin de favoriser les ateliers de la région et de réduire les coûts, les architectes ont eu recours à une innovation technique.  Au lieu d’être de forme conique, les disques connecteurs ont été « fabriqués plats » à l’aide d’une matrice, tandis qu’on a légèrement courbé les tubes pour assurer la forme sphérique du dôme.

Le projet avant-gardiste, un des premiers du genre au Canada, exige une expertise technique hors du commun. Seize étudiants en architecture des universités Laval, de Montréal et McGill participent à l’assemblage sous la supervision des deux architectes, Paul-O Trépanier et Victor Prus, les 7 et 8 septembre 1962, soit bien avant la construction du pavillon américain de l’Expo 67.  Invités par la Ville de Granby, les étudiants logent dans des tentes installées au parc Avery, tout près du chantier.

Réalisée au coût d’environ 40 000 $, la cage à ours de 56 pieds (17 m) de diamètre s’élève à 28 pieds (8,5 m) de hauteur.  Au printemps suivant, une gaine constituée de 50 000 pieds (15 240 m) de broche tissée à la main par les employés du zoo sera fixée sous la structure géodésique pour assurer la sécurité des visiteurs.  À l’intérieur, une tour de béton et pierre de 20 pieds (6,1 m) de haut ainsi qu’une piscine de 20 000 gallons (76 000 l) complètent l’habitat des ours polaires qui s’y installeront à l’été 1963.  

Fière de cette innovation architecturale, la Société Zoologique de Granby réalisa au parc Miner, lors du Carnaval d’hiver 1963, un imposant monument de glace représentant le dôme géodésique du zoo et les ours pensionnaires.  L’oeuvre attira beaucoup de visiteurs.

Même si la vocation du dôme de Paul-O Trépanier a changé, passant d’abri pour les ours à refuge pour les macaques japonais (2002 à 2014) avant de devenir volière aujourd’hui, le Zoo de Granby a su préserver cet édifice patrimonial si avant-gardiste à l’époque.

Monument de glace réalisé par le zoo au Parc Miner durant le carnaval d'hiver de 1963. (Fonds Société zoologique de Granby, SHHY)
Monument de glace réalisé par le zoo au Parc Miner durant le carnaval d’hiver de 1963. (Fonds Société zoologique de Granby, SHHY)

Sources

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