Le marché public de Granby (1950-1974)
Le marché public de Granby et région, ouvert depuis moins d’un an au centre-ville, Place Johnson, est le quatrième à tenter d’établir un lien commercial direct entre les producteurs agricoles et les consommateurs urbains. De ce quatuor, le record de longévité revient sans conteste au marché que met sur pied Jérémia Duhamel, en 1950.
Cecilia Capocchi
Publié le 14 octobre 2021 | Mis à jour le 31 juillet 2024
Publié dans : Commerce
Le marché public de Granby et région, ouvert depuis moins d’un an au centre-ville, Place Johnson, est le quatrième à tenter d’établir un lien commercial direct entre les producteurs agricoles et les consommateurs urbains. De ce quatuor, le record de longévité revient sans conteste au marché que met sur pied Jérémia Duhamel, en 1950, et qui perdure jusqu’en 1974. Pour égaler cet exploit, le marché public actuel devrait se maintenir… jusqu’en 2045.
Le premier marché public couvert, situé dans la rue Dufferin, dessert la maigre population granbyenne de 1855 à 1864. Le deuxième, en activité de 1889 à 1909, est établi dans la rue Ottawa par Simon Page, un homme d’affaires bien connu. Par la suite, il faut attendre plus de quarante ans avant qu’un nouveau marché public voie le jour à Granby. C’est à Jérémia Duhamel, un personnage incontournable des années 1930-1960, qu’on doit cette renaissance.
Entre 1936 et 1945, alors qu’il siège comme conseiller municipal de Granby, Jérémia Duhamel tente à maintes reprises, mais sans succès, de persuader le Conseil d’organiser un marché public, convaincu des bienfaits économiques que cette activité commerciale apporterait tant aux consommateurs qu’aux producteurs.
En 1950, une solution fait l’unanimité au conseil municipal, soit aménager un marché couvert dans une structure déjà existante, et ce, dans le but de sonder l’intérêt des consommateurs et des producteurs pour le projet, avant d’y engager de grosses sommes d’argent. Si l’initiative se révèle un succès, on songera sérieusement à construire une bâtisse munie de toutes les commodités nécessaires à la tenue d’un marché public ouvert douze mois par année.
L’aréna de la rue Court semble être le lieu idéal pour se prêter à l’expérience du marché public, en raison, surtout, de la proximité d’un terrain de stationnement et de la possibilité d’adapter le bâtiment à de nouvelles fonctions. Ainsi, grâce à l’installation de tables démontables, l’aréna est converti en marché les mardis et les samedis, les sports reprenant leurs droits les autres jours. À partir de la mi-novembre, alors que la glace artificielle recouvre la patinoire, le marché se tiendra sous les estrades.
Le samedi 16 septembre 1950, plus de 8000 personnes assistent à l’ouverture du marché public. Par la suite, sans doute attirées par la publicité « Ouvriers, économisez de 10 % à 30 % sur l’achat de vos victuailles », entre 5000 à 6000 familles y convergent toutes les semaines pour s’approvisionner directement en viandes, fruits, légumes et autres produits de la ferme auprès des deux cents cultivateurs et bouchers présents sur place. Grâce à l’absence d’intermédiaires entre les producteurs et les consommateurs, on estime que ces derniers peuvent économiser entre 1 $ et 10 $ par semaine sur le coût des aliments, ce qui constitue un important rabais pour les familles ouvrières de Granby.
En 1954, l’expérience de l’aréna ayant été couronnée de succès, on autorise Jérémia Duhamel à construire, dans la rue Racine, un édifice exclusivement consacré au marché public. Ouvert au public en novembre de la même année, le bâtiment, conçu par l’architecte Paul-O. Trépanier, mesure 200 X 50 pieds. Au rez-de-chaussée, 100 étalages-comptoirs individuels pour les viandes sont installés, en plus d’une section séparée pour les fruits et les légumes. Au deuxième étage, une salle pouvant servir à des assemblées publiques est aménagée.
Les samedis, durant les mois d’été, une activité fébrile règne aux alentours du marché, avec les bouchers et les maraîchers qui déchargent et installent leur marchandise, tandis que la foule des clients se presse afin de profiter des rabais, des meilleures coupes de viande et des fruits et légumes les plus frais. Quant au restaurant du marché public, toujours achalandé, il permet à ceux de la campagne et à ceux de la ville de fraterniser à l’occasion d’un casse-croûte ou d’une tasse de café.
Au marché public, propreté et hygiène sont des préoccupations constantes. Ainsi, les viandes sont réfrigérées sur place et inspectées chaque jour de marché, tout comme les fruits et les légumes provenant des maraîchers. Afin d’assurer la qualité des produits, des inspecteurs du gouvernement vérifient non seulement les viandes, les légumes, les fruits et les œufs, mais ils testent aussi l’exactitude des balances afin que les consommateurs ne soient jamais lésés. Quant aux pommes et aux pommes de terre, elles doivent porter le sceau du gouvernement.
L’expérience du marché public de la rue Racine prend fin en 1974. Les causes de cette fermeture reposeraient sur trois éléments : le décès de Jérémia Duhamel, en 1971, une certaine lassitude des consommateurs pour ce type de commerce et, surtout, le développement des supermarchés, avec leur grand pouvoir d’achat et leurs bas prix.