L’église Notre-Dame, histoire et trésors
L’église Notre-Dame est l’un des édifices les plus imposants de Granby, de même que le plus ancien lieu de culte de confession catholique sur le territoire de la ville. Pour ces raisons, et pour bien d’autres, l’histoire de ses commencements mérite d’être brièvement racontée.
Johanne Rochon
Publié le 19 novembre 2014 | Mis à jour le 11 septembre 2024
Publié dans : Patrimoine, Religion
Texte de la conférence donnée par Johanne Rochon, directrice générale de la Société d’histoire de la Haute-Yamaska, à l’église Notre-Dame, à Granby, le 28 septembre 2014, dans le cadre des Journées de la culture.
Une histoire de construction
L’église Notre-Dame est l’un des édifices les plus imposants de Granby, de même que le plus ancien lieu de culte de confession catholique sur le territoire de la ville. Pour ces raisons, et pour bien d’autres, l’histoire de ses commencements mérite d’être brièvement racontée.
Comme l’affirme un dicton populaire, « Rome ne s’est pas bâtie en un jour ». On peut certainement en dire autant de l’église Notre-Dame, dont la construction s’étire de 1898 à 1906. Ce délai, exceptionnel, s’explique par manque d’argent, par la pauvreté des habitants de la paroisse. On imagine mal aujourd’hui ce qu’il a fallu de sacrifices et de privations de la part des paroissiens pour construire ce joyau de notre patrimoine.
La nécessité de construire une nouvelle église dans la seule paroisse catholique de Granby, résulte de l’augmentation de la population canadienne-française au cours des années 1890, qui passe d’un peu plus de 1 200 à près de 3 000 personnes. La chapelle de 1873 ne suffit plus à contenir tous ces fidèles. En 1898, à la suite d’une tentative ratée en 1892, les administrateurs de la paroisse demandent donc à l’évêque la permission de construire une église et une sacristie. Mais la question soulève l’opposition de plusieurs paroissiens. Dans une « Requête contre la construction d’une nouvelle église », les opposants font remarquer que si la population catholique a beaucoup augmenté depuis les dernières années, « les nouveaux venus ne sont pour la plupart que des journaliers travaillant dans les manufactures, locataires d’immeubles appartenant à des Protestants », et qu’ils n’ont pas les moyens de financer une telle entreprise.
Pour alléger le fardeau des fidèles, on choisit alors de payer la construction de l’église grâce aux revenus ordinaires de la paroisse et aux cotisations volontaires. Fondée dans ce but par le curé de Notre-Dame, Marcel Gill, l’Œuvre du sou de Saint-Antoine regroupe 200 bénévoles dont la mission est de recueillir un sou par semaine de chaque communiant de la paroisse.
La construction de l’église Notre-Dame est confiée à l’architecte Casimir Saint-Jean, de Montréal, reconnu dans le milieu ecclésiastique pour avoir conçu de nombreuses églises et édifices institutionnels. Comme on manque d’argent, on aménage d’abord le sous-sol où on chante la première grand’messe en janvier 1900. Cette solution, qu’on veut temporaire, perdure plusieurs années ; de fait, les travaux ne reprennent qu’au printemps 1904. En décembre de la même année, le clocher est terminé et l’aménagement de l’intérieur peut commencer.
L’église Notre-Dame est finalement bénie le 24 mai 1906. Immense, elle peut contenir 2000 personnes. Son architecture s’inscrit dans l’esprit éclectique, en vogue à l’orée du XXe siècle, qui se caractérise ici par l’amalgame des styles néo-roman, néo-Renaissance et néo-baroque.
Détail intéressant, la pierre de taille employée pour la maçonnerie des murs extérieurs de l’église provient des carrières de Deschambault.
Ce qu’il faut surtout retenir de l’histoire des débuts de l’église Notre-Dame, c’est que sans l’abnégation des paroissiens, sa construction aurait été impossible. À ce titre, c’est à eux que nous devons d’être réunis aujourd’hui au sein de ce joyau du patrimoine granbyen.
Les trésors de l’église Notre-Dame
Au cours de travaux qui se déroulent de juin 1934 jusqu’à l’automne 1935, l’intérieur de l’église Notre-Dame est complètement transformé. Les rénovations, planifiées par l’architecte René Richer, ont pour objectif principal d’anoblir le décor du temple, de rehausser son éclat et sa splendeur.
C’est à l’occasion de ces grands travaux, dont les coûts dépassent ceux de la construction de l’église, que sont installés les trésors patrimoniaux dont Granby peut aujourd’hui se glorifier : vitraux, toiles murales et mobilier sculpté.
La confection de l’ensemble des peintures murales, des motifs aux pochoirs et des vitraux est confiée à Guido Nincheri, peintre décorateur et maître verrier d’origine italienne. Aujourd’hui encore, plus de 2 000 fresques et vitraux de ce dernier ornent une centaine d’églises au Québec, dans le reste du Canada et en Nouvelle-Angleterre. De son vivant, la notoriété et le talent de Nincheri sont tels que le pape Pie XI, en 1933, reconnaît en lui « le plus grand artiste religieux de l’Église »
Commençons par les fresques murales.
Respectant les thématiques mises de l’avant par l’architecte, Nincheri produit sept grands tableaux peints sur toile et marouflé directement sur les murs de l’église ; ces tableaux portent sur le thème de la Vierge Marie.
Élément central de la décoration du chœur, l’imposante toile du sanctuaire illustre le Couronnement de la Vierge par Jésus. Quant à la voûte hémisphérique, elle est composée de neuf travées à l’intérieur desquelles sont représentés sept anges en adoration.
Comme chacun de vous est à même de le constater, les 31 vitraux de l’église constituent la pièce maîtresse des rénovations de 1934-1935. Dessinés et fabriqués par Nincheri dans son atelier montréalais, ils sont faits de verre européen antique de première qualité. Ces verrières sont élaborées dans une dominante de bleu, couleur traditionnellement attitrée à Marie, et ce, de manière à faire briller davantage la lumière diffusée à l’intérieur de l’enceinte et de créer un effet de contraste avec la teinte dorée des murs.
La nef de l’église contient 17 vitraux, incluant la grande rosace de forme semi-circulaire qui perce la façade principale de l’église au niveau du jubé. Cette rosace se veut une allusion à la musique chrétienne de sainte Cécile, patronne des musiciens. Quant à l’orgue, installé au jubé en 1917 par la maison Casavant & Frères, il est construit en deux parties, évitant ainsi d’obstruer la rosace. Cet instrument, qui fait partie des trésors de l’église, est aussi l’objet d’un grand nombre d’améliorations et d’ajouts, qui ont pour but d’optimiser ses performances.
Point culminant du décor intérieur de la nef, les transeptsNef transversale qui coupe à angle droit la nef principale d’une église et qui lui donne ainsi la forme symbolique d’une croix latine. comportent chacun quatre vitraux. En plus des thèmes religieux, il est intéressant de noter qu’une touche locale a été donnée à la portion inférieure de certains d’entre eux. Au nombre des sujets honorés, dans le premier vitrail du transeptNef transversale qui coupe à angle droit la nef principale d’une église et qui lui donne ainsi la forme symbolique d’une croix latine. gauche (à partir de l’entrée principale), on voit Marcel Gill, curé de la paroisse de 1897 à 1916 et constructeur de l’église, dont la dépouille mortelle repose dans l’église même, dans une crypte située sous le chœur. Sur le premier vitrail du transeptNef transversale qui coupe à angle droit la nef principale d’une église et qui lui donne ainsi la forme symbolique d’une croix latine. droit, c’est Eugène Pelletier, curé de la paroisse au moment des travaux de restauration, en 1934, que l’artiste a immortalisé. Un médaillon dédicacé à la mémoire du docteur Ernest Huot est également visible au bas des vitraux du centre.
Les rénovations de 1934-1935 permettent aussi de renouveler le mobilier liturgique, une tâche confiée aux sculpteurs ornemanistes de l’Atelier Joseph Villeneuve, de Saint-Romuald. Ces œuvres sculptées se concentrent au niveau du chœur de l’église. De ce qu’il en reste, derrière moi, on remarque les magnifiques stalles en hémicycles surmontées d’un dais et, de chaque côté du chœur, de petits autels également couronnés d’un dais. Ces pièces, sculptées en noyer noir, sont dorées à l’or bruni.
Tout comme l’église qui les abrite, les trésors artistiques de Notre-Dame appartiennent à la communauté granbyenne et c’est donc à elle qu’il revient d’en assurer la pérennité.
Bibliographie
- M. Gendron, J. Rochon, R. Racine. (2001). Histoire de Granby, Société d’histoire de la Haute-Yamaska, 2001, p. 148-150, 192-193.
- M. Gendron, J. Rochon, R. Racine. (2009). Granby, patrimoine et histoire, Société d’histoire de la Haute-Yamaska, p. 86-89.
- Patri-arch. (2013). Évaluation patrimoniale, Église Notre-Dame de Granby. 170 p.