Les frères maristes et l’éducation des garçons
La communauté des frères maristes est fondée en France en 1817 « dans le but d’enseigner, d’éduquer et de donner une instruction élémentaire dans les petites écoles ». Première communauté enseignante masculine à s’installer en région, au tournant des années 1890, les Maristes prodiguent un enseignement voué aussi bien à la formation des futures élites canadiennes-françaises du…
Mario Gendron
Publié le 12 janvier 2012 | Mis à jour le 11 septembre 2024
Publié dans : Éducation
La communauté des frères maristes est fondée en France en 1817 « dans le but d’enseigner, d’éduquer et de donner une instruction élémentaire dans les petites écoles ». Première communauté enseignante masculine à s’installer en région, au tournant des années 1890, les Maristes prodiguent un enseignement voué aussi bien à la formation des futures élites canadiennes-françaises du commerce et de l’industrie qu’à l’éducation élémentaire des plus humbles travailleurs, comme le montre l’établissement d’une école du soir à l’intention des Granbyens analphabètes.
Les Maristes s’installent au Québec en 1885 à la requête de Mgr Zéphirin Moreau, évêque de Saint-Hyacinthe. Quatre ans plus tard, J.-C. Bernard, curé de Saint-Bernardin et président du syndic d’école de Waterloo, s’adresse au provincial des frères maristes pour lui demander trois religieux pour prendre en charge l’école primaire des garçons, dirigée depuis 1885 par les Sœurs des Très-Saints-Noms-de-Jésus-et-de-Marie.
Le mois suivant la réouverture de l’école sous la direction des frères, en septembre 1889, l’inspecteur Ruel ne tarit pas d’éloges sur l’enseignement qu’ils y professent. En 1894, l’école compte 108 élèves, dont 28 en première année, 36 en deuxième et 44 en troisième.
À Granby, c’est en 1890 que les frères s’installent dans le tout nouveau collège bâti par les Syndics, sur la rue Saint-Joseph. La mission éducative qu’ils y poursuivent est plus étendue qu’à Waterloo, puisqu’on leur remet aussi la responsabilité de l’éducation supérieure des garçons catholiques. L’entente qui lie les deux parties stipule qu’en retour de la propriété du collège, les frères maristes s’engagent à donner un cours commercial et industriel complet, « français et anglais sur le même pied », et à établir un pensionnat à leurs risques. Ils devront aussi enseigner à l’élémentaire dans un local du collège, ce pour quoi ils recevront 400 $ par année de la commission scolaire.
Le collège Saint-Joseph ouvre ses portes en septembre 1890 avec 245 élèves, répartis en cinq classes. En 1906, 16 frères enseignent à 400 élèves, dont seulement 47 sont pensionnaires. Le programme d’étude proposé par les Maristes est moderne et varié : commerce, télégraphie, dessin ornemental et géométrique, physique et chimie, arpentage sur le champ, formation littéraire et artistique, musique théorique et pratique, entre autres matières.
L’implication des Maristes dans la société granbyenne est remarquable. Ils participent, par exemple, à la vie culturelle en aidant les jeunes du Club franco-canadien à produire des spectacles. Dans le but d’améliorer la formation des ouvriers, ils fondent aussi une École d’arts et métiers au début des années 1890. Mais leur plus grande réalisation demeure incontestablement la mise sur pied d’une École du soir, en novembre 1906, pour lutter contre l’analphabétisme. Dès l’ouverture des cours, une centaine d’étudiants s’y inscrivent; à la surprise générale, peu d’entre eux auront abandonné leurs études après les cinq mois réglementaires. La commission scolaire catholique, enthousiasmée par tant de succès, fournira dès l’année suivante aux frères maristes le local, le chauffage et l’éclairage. Avec 111 inscriptions à l’automne 1907, l’École du soir est devenue « le grand sujet de conversation dans notre classe ouvrière », indique le Journal de Waterloo. En avril 1908, lors de la distribution des prix marquant la fin des cours, plusieurs élèves, analphabètes au départ, ont pu lire, sous les applaudissements de la foule, des textes en français et en anglais.
L’expérience d’enseignement des frères maristes à Granby allait se terminer tragiquement. Dans la nuit du 4 au 5 janvier 1911, au cours de la période des vacances d’hiver, un incendie rase le collège et emporte dans la mort le frère Marie-Léoncien. Le collège Saint-Joseph en ruines, 530 élèves se retrouvent sans maison d’éducation. Pour ajouter à l’infortune, des désaccords surgissent entre la commission scolaire et les Maristes à propos du pensionnat et des conditions de la réouverture. D’un commun accord, mais avec un peu d’amertume de la part des frères, on préfère résilier l’entente de 1890. Les commissaires, qui doivent réagir rapidement, se tournent alors vers les Frères du Sacré-Cœur, qui acceptent les conditions refusées par les Maristes et reprennent en main l’éducation des garçons catholiques en septembre 1912.
En 1953, sous la pression d’anciens élèves, les frères maristes reviennent à Granby pour prendre en charge les écoles primaires Saint-Benoît et Notre-Dame de Fatima et l’externat Mgr Prince. Relevant directement du séminaire de Saint-Hyacinthe, l’externat permettait aux garçons de Granby de suivre les quatre premières classes du cours classique, éléments latins, syntaxe, méthode et versification. Pour les frères, il s’agissait en quelque sorte d’un retour aux sources.