Horace Boivin, l’Allemagne et le zoo
Mario Gendron
Publié le 11 janvier 2011 | Mis à jour le 11 septembre 2024
Publié dans : Politique
Si on connaît Horace Boivin comme maire et fondateur du Zoo de Granby, propriétaire de la Granby Elastic Web et commissaire industriel, on connaît moins son implication sur la scène internationale au cours de la période qui a suivi la Deuxième Guerre mondiale. C’est pourtant là que l’homme a accompli l’un de ses plus hauts faits d’armes en favorisant, à sa mesure, la réconciliation entre l’Allemagne vaincue et les Alliés.
En 1945, le régime nazi est renversé et l’Allemagne se retrouve écrasée, divisée, en ruines. Malgré tout, les nations alliées demeurent méfiantes à l’égard de ce turbulent et dangereux voisin, à l’origine du déclenchement de deux guerres mondiales en moins de trois décennies; quant aux populations européennes décimées par la guerre, leur rancune est à la hauteur des exactions qu’elles ont subies. Le procès de Nuremberg, qui se déroule de novembre 1945 à octobre 1946, en révélant au monde l’horreur des camps d’extermination, achève de renforcer l’antipathie envers le peuple allemand, jugé coupable par plusieurs d’avoir cautionné une idéologie aussi inhumaine.
De passage à Paris, Horace Boivin, maire de Granby et président de la Fédération canadienne des maires et des municipalités, est reçu conseiller honoraire de la Ville lumière par Pierre de Gaulle, qui, en retour, devient citoyen honoraire de la Ville de Granby. (©SHHY, fonds Horace Boivin, P055-S009-D019-P004)
Maire d’une ville canadienne d’environ 20 000 habitants au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, Horace Boivin est un bien petit joueur sur l’échiquier des enjeux internationaux. Mais le rôle qu’il est appelé à tenir comme délégué officiel du Canada aux conférences de l’Union internationale des villes et pouvoirs locaux, auxquelles il participe à six reprises entre 1946 et 1960, à Paris, Genève ou Vienne, lui offre une tribune extraordinaire pour propager un message de tolérance et de réconciliation envers l’Allemagne, un discours qui détonne dans le climat d’immédiat après-guerre. S’il est difficile d’évaluer l’influence qu’a pu avoir l’attitude d’ouverture d’Horace Boivin sur la politique européenne et internationale, elle aura des retombées inattendues pour Granby, et particulièrement pour son zoo.
C’est au moment où le zoo de Granby se transforme en Jardin zoologique, en 1954, et qu’une course à l’acquisition d’animaux s’enclenche auprès des autres zoos du monde, que Granby récolte les fruits semés en Europe par Horace Boivin. En effet, c’est à cette époque que le capitaine Kempf, un Allemand propriétaire de la compagnie maritime Poseidon Line, offrait au Jardin zoologique de prendre à sa charge le transport des animaux d’Europe jusqu’à Montréal. Cette offre généreuse, affirmait le capitaine Kempf, avait été faite pour le seul motif de remercier Horace Boivin de l’attitude d’ouverture qu’il avait manifesté envers l’Allemagne vaincue, au moment où plusieurs lui tournaient encore le dos. Le souvenir du capitaine Kempf est inscrit dans la toponymie locale, une rue du parc industriel de Granby portant son nom.
Le Capitaine Kempf, transporteur d’animaux par bateau, coupe le ruban d’inauguration d’une rue granbyenne qui portera son nom. Frances Boivin, épouse du maire de Granby, Mme Kempf, P.A. Leduc, président du zoo, capitaine Herman Kempf, Horace Boivin, maire de Granby, Marcel Boivin, député fédéral de Shefford. (©SHHY, fonds Société zoologique de Granby, P034-S10-D18-P1)
Lorsqu’on s’interroge sur celui qui devrait détenir le titre de plus grand maire de l’histoire de Granby, trois noms ressortent nettement : S.H.C. Miner, Horace Boivin et Paul-O. Trépanier. S’il est difficile de désigner l’un d’entre eux, tant l’époque et les conditions de leur règne diffèrent, on peut affirmer sans hésitation que c’est Horace Boivin qui a le plus fait rayonner Granby à l’étranger, donnant à la ville une stature sans commune mesure avec son importance démographique ou économique.