La crise du verglas
René Beaudin
Publié le 11 janvier 2018 | Mis à jour le 11 septembre 2024
Publié dans : Environnement
Au début du mois de janvier 1998, la chute de presque 100 mm de pluie verglaçante en cinq jours dans le désormais célèbre « triangle noir » montérégien provoque l’effondrement du réseau d’Hydro-Québec et occasionne une panne électrique majeure qui restera longtemps dans les mémoires.1
Les installations d’Hydro-Québec, qui sont alors conçues pour résister à tout au plus 45 mm de verglas, commencent à s’affaisser dans la nuit du 5 au 6 janvier. L’étendue des dégâts devient rapidement catastrophique (900 pylônes détruits ou endommagés, 20 300 poteaux brisés, 128 lignes de transports coupées) et prive d’électricité jusqu’à 1,4 million de Québécois (sommet atteint le 10 janvier). Ce désastre amorce le 8 janvier une « crise » qui va affecter les Granbyens durant 20 jours.
Le 9 janvier, les secours s’organisent : les hôpitaux annulent les rendez-vous pour répondre aux urgences, le Mont Sacré-Cœur se transforme en centre d’hébergement en accueillant près de 700 personnes (la conversion d’autres écoles augmentera à plus de 1 800 sinistrés la capacité d’hébergement de la ville), tandis que le centre de coordination des mesures d’urgences s’installe à l’hôtel de ville. Les réflexes de survie font surface et se traduisent alors par des hôtels bondés, par une pénurie de produits essentiels et aussi, malheureusement, par des vols… de génératrices.
L’espoir d’un retour rapide à la vie normale s’évanouit le 11 janvier alors qu’Hydro-Québec annonce qu’elle ne pourra rétablir le courant électrique dans la région avant 15 jours. Le déploiement de 300 militaires à Granby pour renforcer la sécurité civile et publique, la conversion de l’aréna Léonard-Grondin en centre d’approvisionnement d’urgence et l’arrivée, le lendemain, de 110 camions de la compagnie d’électricité Detroit Edison, viennent réconforter quelque peu une population en proie au découragement. Des gestes de solidarité de gens d’ici mais aussi d’ailleurs au Québec, en Ontario et au Nouveau-Brunswick font que la région n’a pas à souffrir d’un manque de denrées alimentaires et de bois de chauffage. Pour relever le moral des sinistrés, on organise des spectacles gratuits. À cela s’ajoute l’annonce, par le gouvernement québécois, d’une aide financière de 70 dollars par semaine pour toute personne privée d’électricité.
Malgré tout, la situation s’améliore de jour en jour ; le 17 janvier, les entreprises de la région sont toujours fermées mais 55 % des maisons sont maintenant éclairées. Le 19 janvier, le premier ministre Bouchard, le pdg d’Hydro-Québec et le maire Duchesneau tiennent un point de presse à l’hôtel de ville de Granby pour annoncer le rebranchement des municipalités de la Montérégie vers le 25 janvier. D’ici là, on incite les gens à limiter au minimum leur consommation d’énergie en raison d’une disponibilité d’électricité réduite du 2/3 et d’une grande fragilité du réseau. Les industries manufacturières de Granby sont affectées économiquement par la crise, mais se préservent du pire en utilisant intensivement des génératrices. La crise du verglas trouve enfin son dénouement le 26 janvier alors que le poste Saint-Césaire d’Hydro-Québec est de nouveau réalimenté. À ce moment, Granby est rebranché à près de 97 % et les centres d’hébergements sont pratiquement vides.
Finalement, la crise du verglas a mis en évidence les services d’urgences de la ville de Granby qui se sont démarqués de ceux des autres municipalités par leur organisation et leur efficacité : une partie de ce succès est sans doute attribuable au rôle proactif du maire Duchesneau mais aussi, et surtout, à l’expérience acquise durant les Jeux du Québec tenus à Granby, à l’hiver 95. En effet, l’armée de bénévoles qui avaient permis cet événement a tout spontanément repris du service lors de la crise en épaulant rapidement et efficacement les autorités en place.
- Au sujet de la crise du verglas dans la région de Granby, voir également le diaporama La crise du verglas 1998, qui regroupe des photos de Michel St-Jean, ex-photographe pour le journal La Voix de l’Est. ↩︎