Les débuts du canton de Granby, 1788-1831

Plan and Survey of the Township of Granby and Milton. HXD-BCF-EFC-R
Détail de Jeremiah McCarthy. (1801). Plan and survey of the Township of Granby and Milton [Plan d'arpentage]. Fonds Ministère des Terres et Forêts (E21,S555,SS1,SSS1,PM.27A), BAnQ Québec.

Mario Gendron

Publié le 8 novembre 2024 | Mis à jour le  11 novembre 2024

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Introduction

Pour la plupart des gens, le Canton de Granby réfère à une municipalité de banlieue, annexée à la ville de Granby en 2007. Mais ce territoire, érigé en township (canton) en 1803, est aussi porteur d’une histoire qui plonge au début de la colonisation de toute une région, dont la ville de Granby est aujourd’hui l’épicentre. Le texte que nous vous présentons ici, déjà publié dans la Revue d’études des Cantons-de-l’Est, cherche à mieux saisir les premiers pas du township de Granby qui, aussi tôt qu’en 1788, attise la convoitise des spéculateurs et, plus tard, l’intérêt des premiers habitants.  Mode de concession des terres, qualité des sols, construction des premières voies de communication et répartition géographique des marchés sont tous des éléments d’étude essentiels lorsqu’on veut comprendre le rythme du peuplement du canton de Granby, le choix des lieux d’établissement et la nature des activités agricoles des premiers colons.

Concession du canton de Granby 1788-1803

En 1788, le colonel Henry Caldwell, commandant de la milice britannique de Québec, expédie une pétition au gouvernement afin d’obtenir des octrois de terre pour les 330 miliciens qui ont défendu la ville lors du blocus naval par les forces d’invasion américaines en 1775-1776.1

Caldwell réitère sa demande en 1792 et ajoute qu’il aimerait obtenir un canton de cent milles carrés (45 000 acres) concédé en franc et commun soccage et situé à l’est de la rivière Chambly.2

Le comité des terres accueille favorablement la requête de Caldwell et le lieutenant-gouverneur Alured Clark ordonne l’arpentage d’un canton de neuf milles de front par 12 de profondeur, désormais connu sous le nom de Granby.3 Le 6 juin 1792, le comité des terres certifie la demande originale et indique au gouvernement la situation géographique exacte du canton de Granby.4

Trois ans plus tard, en 1795, le canton de Granby n’est pas encore arpenté et Caldwell envoie une autre requête avec une liste de 35 nouveaux associés de Christie Manor et Saint-Armand. Du même souffle, il réclame également l’octroi du canton de Milton.5

La réponse du comité des terres ne tarde pas à venir et en novembre 1795 la demande de Caldwell reçoit un refus catégorique. On lui reproche d’avoir oublié ses premiers associés, les miliciens britanniques de Québec, des hommes qui ont mérité la gratitude du gouvernement.6

Caldwell revient donc à sa demande initiale en janvier 1796 et il assure le gouvernement de sa bonne foi en spécifiant ne pas vouloir des 1 200 acres généralement octroyées aux chefs de cantons. Il réitère toutefois sa requête au sujet du canton de Milton pour ses associés de Caldwell Manor et Saint-Armand. Le comité approuve cette approche pour Granby, mais se refuse obstinément à concéder Milton aux 35 associés de Caldwell.7

Le gouvernement ordonne à nouveau l’arpentage du canton de Granby en 17978 et Jeremiah McCarthy en dépose le plan définitif en 1801. Et le 8 janvier 1803, les cantons de Milton et Granby, 15 ans après la demande initiale de Caldwell, sont octroyés à 140 miliciens de la ville de Québec ou à leurs veuves.

Des 261 lots (52 167 acres)9 que contient le canton de Granby, le gouvernement en octroie 155 (31 045 acres ou 59,5%)10 à 99 soldats et officiers de la milice, 75 (14 965 acres ou 28,7%) au clergé et à la Couronne et 31 lots ne sont pas concédés.11 De ces 99 concessionnaires, 90 reçoivent un octroi de 400 acres ou moins et 9 seulement en obtiennent davantage.12 À notre connaissance, aucun de ces soldats et officiers, dont 13 sont décédés en 1803, ne viendront coloniser le canton de Granby.

Spéculation sur les terres

Le canton de Granby excite très tôt la convoitise des spéculateurs: au moins 16 550 acres13 changent de mains avant l’arrivée des premiers colons.14

Marchand de Québec et propriétaire de la seigneurie de De Guire à partir de 1808,15 Josias Wurtele acquiert 41 lots de 200 acres dans le canton de Granby de 1801 à 1809.16 Il fait signer dès 1801 des promesses de vente à des miliciens de Québec ou à leurs veuves qui se départissent ainsi à l’avance des lots qu’ils doivent officiellement recevoir du gouvernement en 1803.17

Dans cette course à l’achat des terres, Wurtele s’associe à John Savage,18 qui devait explorer les cantons et aviser Wurtele de la qualité des terres et du prix des lots. Les deux hommes se partageaient également les pertes et les profits.19

Sur une période d’environ 25 ans, Josias Wurtele vendra 14 des 41 lots acquis au début du XIXe siècle.20 Huit de ces lots, pour lesquels nous possédons le prix d’achat et de vente, sont payés 470 $ et revendus 3 322 $ couvrant ainsi le montant initial de 1 700 $ déboursé par Wurtele pour l’ensemble de ses acquisitions (41 lots) dans Granby.21 Des terres payées en moyenne 0,30 $ l’acre seront donc cédées à 1,97 $ l’acre,22 ce qui est bien supérieur aux 0,59 $ l’arpent auxquelles les terres en franc et commun soccage se transigent dans le Bas-Canada entre 1826 et 1837.23 Les colons désirant s’établir sur les terres de Wurtele doivent donc s’attendre à débourser environ 200 $ pour obtenir un lot non défriché de 100 acres.24

Plusieurs raisons peuvent expliquer cet engouement des spéculateurs pour les terres du canton de Granby, mais la principale réside dans le statut même des “concessionnaires-miliciens.” La grande majorité d’entre eux sont des citadins, exercent un métier ou sont à la retraite et, manifestement, ils n’ont aucune envie de s’établir comme colon. Aussi, dès qu’ils en ont l’occasion, ils vendent leurs lots, très souvent à vil prix.25

Les voies de communication

Sur la carte exécutée par l’arpenteur McCarthy26 en 1801, le canton de Granby, plusieurs années avant sa colonisation, est traversé d’est en ouest par un chemin allant du canton de Shefford à la seigneurie de Saint-Hyacinthe. Mme Day confirme les indications de l’arpenteur.

As the country near and around Lake Memphremagog became settled, the people were aroused to the importance of having a more direct line of communication with Montreal, and made advances towards opening a road through to Shefford, (…) In September, 1797, the work was commenced, the streams bridged and causeways constructed; that over the great swamp in Granby, cost one dollar per rod, — in all one hundred and seventy dollars; and the work was persevered in, so that in October, ox-sleds could pass to the river at St Pie. (…) Though this was but a winter road, and the way was closed to all but foot travelers during the greater part of the year, it was still considered an important point gained.27

Catherine Matilda Day (1815-1899)

Vers 1805, Josias Wurtele et John Caldwell, les deux plus importants propriétaires fonciers du canton de Granby, aidés de John Savage, font certains efforts pour aménager la route dans Granby. C’est donc avec beaucoup de satisfaction qu’ils accueillent la pétition des habitants de Shefford, Stukely et Bolton pour la construction d’une route de Saint-Hyacinthe au lac Memphrémagog “…to be laid out through Granby to meet the road that is to be laid out through Shefford, Stukely and Bolton.”28 Ce projet particulier n’aura cependant pas de suite: le gouvernement établit en effet en 1807 une route qui mène de Stanstead, près des frontières américaines, jusqu’à Montréal en traversant le canton de Granby,“…but the Grand Voyer could not continue it through Granby as that township is not settled, though it was granted A.D. 1803.”29

L’arpenteur Bouchette indique également un chemin dans le canton de Granby en 1805 et 181530 et il est probable qu’il s’agit toujours de la piste relevée par McCarthy en 1801. Uniquement praticable en hiver, mais “verbalisée et homologuée” en partie dans le canton de Granby, cette route permet en 181631 de relier Stanstead à la montagne d’Yamaska (Saint-Paul-d’Abbotsford).32

Mais la première véritable infrastructure routière à desservir Granby est l’“Outlet Road” dont la construction s’échelonne de 1817 à 1819. Cette route a comme point de départ la décharge (l’“Outlet”) du lac Memphrémagog, passe aux pieds de la montagne d’Orford et traverse le canton de Stukely sur la ligne de division des rangs un et deux jusqu’à Frost Village. De là, elle va vers Waterloo, pénètre dans Granby par le sixième rang, remonte ensuite au nord vers le neuvième rang jusqu’à Abbotsford puis se dirige vers Chambly et Montréal.33 Samuel Willard, chef des associés du canton de Stukely et “commissionner for international communication for the County of Richelieu,” est responsable de la construction du nouveau chemin sur la distance qui sépare la montagne d’Yamaska du lac Memphrémagog.

Willard se rend donc à Saint-Denis en novembre 1817 et conclut un premier contrat avec les entrepreneurs B.J. Shiller et Joseph Friggon pour l’aménagement du chemin et la construction des ponts sur une distance de 19 milles et 76 chaines.34

Les travaux débutent au printemps de 181835 et, en août, Willard effectue un voyage de deux jours dans le canton de Granby “to examine and inspect the 1st, 2nd and 3rd miles of the road leading from Maska Mountain to Shefford, also the 6th, 7th and 8th miles.” Satisfait du travail accompli, le commissaire Willard remet en novembre 1818 la somme de 4 452 $ aux entrepreneurs Shiller et Friggon.36

Shiller et Friggon ont bien exécuté leur travail et ont débroussaillé un bon chemin d’hiver. Nous avons signé un nouveau contrat avec les mêmes entrepreneurs pour qu’ils en fassent maintenant une route carrossable sur toute sa longueur, et nous prévoyons qu’elle sera terminée en août prochain. Cette route ouvrira à tous les habitants des townships est et nord-est du lac Memphrémagog et une grande partie de ceux de l’ouest du lac, une communication directe avec Montréal.37

En octobre 1819, leur deuxième contrat terminé, Shiller et Friggon reçoivent 6 086 $ pour la construction de 3 804 “rods”38 (11,9 milles) de chemin à un taux de 1,60 $ par “rod.”39

Pour la première fois, les habitants du canton de Granby, dont certains sont établis depuis 1810, peuvent communiquer efficacement avec Montréal et sa région ou avec l’intérieur des cantons jusqu’à Stanstead et les états américains limitrophes. Cette route deviendra d’ailleurs l’une des plus fréquentées, “…le grand tronc sur lequel verrait se greffer toute une série de branches secondaires (…) Ces nombreuses ramifications apportaient un trafic considérable à la route de Montréal et Stanstead et lui donnait une importance capitale.”40

Sur tout son parcours, mais principalement dans la partie située à l’est de Granby, l’“Outlet Road” demeure néanmoins difficilement praticable, ce qu’avait prévu Willard dès 1819,41 et réclame d’incessantes réparations.42

Les premiers habitants

Contrairement à Stukely et Shefford concédés à des chefs de canton qui doivent veiller à l’établissement de leurs associés, le canton de Granby est octroyé à des miliciens de Québec qui ne désirent pas s’y établir et qui revendent leurs lots à des spéculateurs ou à des colons. Les actes de vente de ces terres sont donc éparpillés dans plusieurs greffes de notaires de Québec, du district de Saint-François et de celui de Bedford,43 compliquant beaucoup la tâche d’indiquer qui furent les premiers habitants de Granby.

Mme C. M. Day44 et Aimé Dorion45 s’entendent pour dire que le premier habitant du canton de Granby est Roswell Spaulding, fils d’un des concessionnaires du canton de Shefford, et qu’il s’est établi en 1809. Là où les auteurs divergent, c’est sur le moment de l’arrivée des colons subséquents: Mme Day souligne que Simon Door s’installe en 1810 et Jonathan Herrick en 1812. Aimé Dorion renverse les termes et affirme que J. Herrick arrive dans Granby en 1810 et S. Door deux ans plus tard. Quant à Mme Sewell Kent, fille de Jonathan Herrick, elle indique que lorsque son père s’établit dans le canton en 1810 “…the only other house in the township of Granby… was the one belonging to Simon Door” et que la famille Alexander arrive peu de temps après.46

Les sources ne nous permettent guère d’en dire davantage. Le recensement de 183147 donne 1808 comme date du premier établissement et, selon les indications du grand voyer, le canton de Granby n’est pas encore habité en 1807. Une lettre de Josias Wurtele à John Savage laisse croire toutefois que le 6e lot du 6e rang est occupé dès 180648 par un certain C. Putney. Mais cette affaire n’eut probablement pas de suite: Wurtele cède ce lot à James Savage en août 181449 sans qu’aucune mention de cette présence ne soit faite dans le contrat de vente.50

Selon nos recherches, le plus vieux contrat ayant conduit à un établissement dans Granby date du 9 décembre 1809 et concerne la location du 9e lot du 7e rang, une réserve du clergé, à Thomas A. Willis pour une période de 21 ans.51 On peut aussi indiquer que lors de l’achat de la moitié nord du 6e lot du 6e rang par Simon Door en décembre 1814, ce dernier est désigné comme étant du canton de Shefford et non de Granby,52 ce qui semble l’éliminer comme premier arrivant (hypothèse de Mme Sewell Kent).

La seule source valable au sujet des premiers habitants du canton de Granby est la liste des miliciens du capitaine John Savage de mars 1813.

Miliciens du canton de Granby, 1813

ÂgeNom
Entre 40 et 50Simon Door
19James Door
Entre 50 et 60John Horner
27William Horner
18Andrew Horner
21Elias Horner
Entre 30 et 40John Sweat
46Joel Alexander
Entre 20 et 30Elijah Hall
Entre 40 et 50Moses Sweat
18Joseph Sweat
47Cyrus Alexander
43James Savage
23Stephen Door
Entre 40 et 50Jonathan Herrick
Entre 30 et 40John Horner Jr.
22Hiram Horner
Entre 20 et 30Hazen Horner
26Thomas A. Willis
Entre 20 et 30Joseph Kent
17Simpson Alexander
Entre 20 et 30John Camber
20John Sweat Jr.
40Roswell Spaulding
19Cyrus Alexander
18Henry Savage
Source : John Savage. (1813). A list of the names of the Militia in the Township of Granby with their age, [Document textuel]. John Savage collection (R3235-0-X-E, MG23-GIII12), Bibliothèque et archives Canada

L’examen de cette liste révèle que Jonathan Herrick, Roswell Spaulding, Cyrus Alexander, Thomas A. Willis et Simon Door,53 ceux qu’on dit être parmi les premiers habitants du canton, sont effectivement présents dans Granby en 1813.

En les regroupant par noms de famille, ces 26 miliciens, tous des anglophones, se répartissent en cinq groupes: les Horner (7), les Alexander (4), les Door (3) et les Savage (2). Six individus échappent à cette classification: Elijah Hall, Joseph Kent, Jonathan Herrick, Thomas A. Willis, John Camber et Roswell Spaulding.

Quelques-uns de ces premiers habitants proviennent du canton voisin de Shefford (Door, Alexander, Spaulding, Savage) et la plupart des autres, dont les sept membres de la famille Horner, sont originaires de l’état du Vermont.

La liste des miliciens de 1813 ne permet pas de connaître exactement la population du canton de Granby. Mais en nous référant au nombre moyen d’individus par famille en 1825, on peut l’estimer à plus de 60. Cette poignée de colonisateurs se retrouvent alors dans la partie est des rangs cinq, six et sept. Mais c’est dans le sixième rang, le long de la piste qui allait devenir l’“Outlet Road” en 1819, entre le premier et le huitième lot, que la grande majorité d’entre eux s’établissent.

En 1825, le canton de Granby comprend 45 familles et 287 personnes. Pas plus de 30 familles se sont donc établies dans Granby de 1813 à 1825. Beaucoup de ces arrivants se dirigent dans les rangs un, deux et trois, toujours dans la partie est du canton. On remarque parmi eux la présence de Salem Town, John Keep, Jaby Delano, John Fife, Harvey Parker, James et David Webster, John Smith, etc. En 1825 on ne remarque aucune occupation dans la section nord du canton entre le huitième et le onzième rang. Durant les six années qui suivent, de 1825 à 1831, le canton voit sa population s’accroître de 510 pour atteindre 797 personnes réparties en 134 maisons habitées. Sauf pour le dixième rang qui se développe un peu plus tard avec l’établissement du hameau de Mawcook, tous les autres rangs sont occupés en 1831. Les rangs cinq, six et sept sont toujours les plus peuplés, mais on note aussi une nette progression dans le sud-est du canton dans les quatre premiers rangs. On assiste même à l’apparition dans le deuxième rang du toponyme “Granby South Ridge” avec l’arrivée en 1826 de plusieurs familles dont celles de Richard et John Neil, de William Dunkin, de A. et John Sample et, en 1827, de William Marshall. La partie nord du canton très récemment peuplée, ne regroupe cependant que 16 familles dont neuf dans le neuvième rang.

Peuplement du canton de Granby en 1831

RangMaisons habitéesPopulation
11187
21790
31276
41382
51897
630166
717100
8431
9955
1000
11313
Total:134797
Source : Recensement de 1831, bobine C-722, ANC

L’absence d’une route praticable à l’année avant 1819, l’accaparement d’un grand nombre de terres par les spéculateurs, les conditions difficiles imposées pour la location des terres de la Couronne et du Clergé sont quelques unes des raisons qui peuvent être invoquées ici pour expliquer la progression relativement lente de la colonisation du canton de Granby, particulièrement avant 1825.

Qualité des sols, voies de communication et activités agricoles

Selon une étude des sols du comté de Shefford effectuée pour le ministère fédéral de l’agriculture,54 une grande partie des terres du canton de Granby sont assez peu propices aux activités agricoles. Raoul Blanchard abonde dans le même sens.

Au sud du Saint-François jusque vers Granby, (le Piedmont) s’élargit…et n’est plus dès lors qu’un fragment un peu bâtard de la plate-forme appalachienne, plus bas, plus disséqué, plus rocheux. C’est un assez médiocre pays qui s’étend dans Shefford de Waterloo et Granby jusqu’à Actonvale (sic), avec les roches pointant partout, les gros blocs en désordre à travers des bois maigres, de rares fermes, de pauvres villages…55

L’examen de la carte des sols du canton de Granby révèle que les terres les plus favorables aux activités agricoles se situent principalement dans le quart sud-est du territoire et au centre de chaque côté de la branche nord de la rivière Yamaska. Au nord et au sud-ouest, on remarque la présence de sols qui, à toutes fins utiles, sont peu propices à l’agriculture en général.56

Les premiers habitants de Granby recherchent donc le meilleur équilibre possible entre la qualité des terres et la proximité des voies de communication: les meilleurs sols du canton (sol franc limoneux Yamaska) demeurent sans occupant durant une longue période parce que trop éloignés de la route, et des terres avantageusement situées par rapport au chemin, comme dans le huitième et le neuvième rangs, restent incultes jusqu’en 1880 car les sols y sont peu fertiles.57

Cette hypothèse peut également expliquer que c’est aussi tard qu’en 1825 que s’ouvre vraiment à la colonisation la partie est des rangs un, deux et trois dont les sols sont pourtant fertiles. En l’absence de chemin qui mène au village naissant de Granby et à l’“Outlet Road,” distants de deux milles et demi de “Granby South Ridge” dans le deuxième rang,58 les colons doivent s’approvisionner et faire moudre leurs grains à West Shefford, village moins éloigné, mais dont l’accès est rendu difficile par l’absence de pont sur la branche principale de la rivière Yamaska. Relativement isolée, cette région ne se développe donc que lorsque les terres les mieux situées sont presque complètement occupées ou lorsque les lots qui sont encore disponibles ne répondent pas aux critères de qualité que se fixent les cultivateurs.

Dans le sixième rang par exemple, où les pressions démo- graphiques s’intensifient avec l’apparition d’industries rurales et de commerces au village de Granby à partir de 1825, 70% des terres disponibles sont occupées en 1831 et plusieurs lots commencent même à se fractionner.

Cette approche implique cependant que les colons sont à même d’évaluer assez justement le potentiel agricole d’une terre en bois debout. Le cas de Josias Wurtele est éloquent à ce propos. Sur 30 lots de 200 acres qu’il achète après 1803, 16 sont très peu propices à l’agriculture, sept sont de qualité moyenne et sept seulement sont de bonne qualité. Les colons, sans doute plus avertis que Wurtele et son “conseiller” John Savage, acquièrent avant 1833 six des sept lots de bonne qualité, quatre des sept lots de qualité moyenne et seulement deux des 16 lots les moins propices aux activités agricoles.

Et si la qualité des sols est un facteur important dans le choix des établissements, elle oriente également la nature des activités agricoles qu’on décide de pratiquer.

Dès qu’ils s’installent sur leurs lots, les colons sont astreints à un ensemble de tâches: défricher, construire une maison,59 un abri pour les animaux, semer, etc. Et dans Granby, où les terres se transigent de 2 $ à 4 $ de l’acre,60 la majorité des acheteurs doivent prendre une hypothèque dont le paiement s’échelonne ordinaire- ment sur une période de cinq ans ou plus. Il faut donc rapidement rendre la terre productive afin d’en dégager les revenus nécessaires à l’établissement et à l’entretien de la famille et pour remplir les clauses hypothécaires inscrites au contrat de vente. La première année, le cultivateur sème des patates, du maïs, du seigle, etc. entre les souches ou les arbres abattus et fait paître ses animaux dans les bois où ils se nourissent de graminées sauvages et de feuilles.61 Les récoltes servent alors presque exclusivement aux besoins de la famille et la seule activité immédiatement lucrative réside dans la vente de la potasse qu’on produit à partir de bois dur. “Le défricheur, le bûcheron, ramassant alors la cendre, la faisait bouillir et réduire afin de lui donner de la consistance, que l’on appelait sel ou salt de potasse.” Ce sel est ensuite acheminé et vendu à la perlasserie où il subit un séchage au four afin de le purifier encore davantage. Un homme habitué à bûcher pouvait produire 100 livres de sel de potasse en six jours de travail.62

Avant l’établissement de perlasseries dans Granby vers 1830, “Potash was taken from Stanstead and intermediate places to Montreal on large wagons drawn by double ox teams, and goods were brought back in the same way.”63

Mais la vente de la potasse, aussi lucrative qu’elle soit,64 n’est que la conséquence du déboisement de terres dont la fonction est avant tout agricole. Il n’est toutefois pas exagéré de dire que les revenus tirés de cette activité ont largement aidé nombre de cultivateurs à s’établir dans le canton de Granby.65

La nature des sols et la topographie du territoire, l’éloignement des marchés, la grandeur des terres et la demande pour les produits animaux sont autant de facteurs qui orientent très tôt les cultivateurs de Granby vers l’élevage. Ces derniers s’adaptent ainsi aux contraintes qu’imposent le milieu physique, beaucoup mieux adapté à l’élevage qu’aux récoltes cultivées, et offrent une réponse rationnelle à l’éloignement relatif du canton de Granby: “Il n’est pas rentable pour un cultivateur d’envoyer des grains et autres pondéreux au marché de Montréal. Par contre, l’envoi de lard, de bœuf, de potasse, de beurre et fromage compense les coûts élevés de transport et laisse un profit au producteur.”66

Des huit productions végétales inscrites au recensement de 1831, la patate et le maïs sont les cultures dominantes dans le canton de Granby. Environ les trois quarts des 128 occupants de terres en cultivent et chaque producteur en produit respectivement 148 et 38 bushels67 en moyenne. À elles seules, ces deux productions représentent 82% des récoltes totales.68 La culture du blé et du seigle a la faveur d’environ la moitié des occupants et les récoltes moyennes par producteur oscillent autour de 20 bushels. L’avoine, l’orge, les pois et le sarrasin font figure ici de cultures marginales.

À quelques exceptions près, tous les ménages possèdent des bêtes à cornes et des cochons avec des moyennes respectives de 4,7 et 2,4 animaux par éleveur. Seulement 35% des occupants élèvent des moutons, mais chacun d’eux possède 14,7 têtes de bétail. L’élevage du cheval est une pratique peu répandue dans Granby avec un cheptel de 50 chevaux pour 134 maisons habitées. Cette situation pourrait expliquer qu’on y produit peu d’avoine,69 graminée qui “n’est vraiment pas remplaçable comme base d’une bonne alimentation des chevaux.”70

Que conclure des données somme toute sommaires du recensement nominal de 1831?71 Les récoltes identifiées pour Granby paraissent peu abondantes, dominées par la patate et le maïs; les espaces défrichés, les récoltes et le cheptel, sont inférieurs en moyenne à ce qu’on dénote pour l’ensemble du Bas-Canada.

Terres, récoltes, cheptel, par occupant de terre, 1831

(a) Les moyennes des terres occupées et cultivées pour le Bas-Canada sont de Serge Courville, “La crise agricole du Bas-Canada, éléments d’une réflexion géographique,” 1re partie, tableau 1, Cahiers de géographie du Québec, vol. 24, no. 62, sept. 1980.
(b) Les moyennes des récoltes et du cheptel pour le Bas-Canada sont de Fernand Ouellet et concernent les fermes. Histoire économique et sociale du Québec 1760-1850, T.2, p. 452 et 458 et Le Bas-Canada 1791-1840, p. 184.

Mais il faut considérer ici que les deux tiers des occupants sont établis depuis six ans ou moins et que ces indices moyens révèlent davantage des pratiques agricoles caractéristiques d’une période de colonisation qu’un “retard” réel de l’agriculture.

L’exemple de trois groupes de cultivateurs établis à des périodes différentes (avant 1813, de 1813 à 1825 et de 1825 à 1831) semble le plus révélateur des orientations à long terme de l’agriculture dans le canton de Granby. Cette approche permet également d’évaluer dans quelle mesure l’élevage conduit les producteurs à s’intégrer au marché.

Moyennes des terres cultivées, des récoltes et du cheptel de trois groupes d’occupants de 10 acres et plus, canton de Granby, 1831

Gr.1
1808-1813
Gr.2
1813-1825
Gr.3
1825-1831
Nombre d’occupants151589
Acres cultivées4129,216
RécoltesBushels%*Bushels%*Buchels%*
Patates266,7100163,993,3122,775,3
Maïs51,710046,88033,468,5
Blé23,88024,7602556,1
Seigle29,96018,473,32147,2
CheptelNombre%*Nombre%*Nombre%*
Bovins9,51005,91003,895,5
Chevaux1,833,31,233,31,225,8
Moutons26,473,314,273,39,124,7
Cochons3,51001,986,72,2580,9
* Pourcentage de producteurs ou d’éleveurs d’une catégorie donnée.
Source : Recensement de 1831, bobine C-722, ANC

Ce tableau indique un rapport direct entre la période d’établissement et l’importance et la fréquence des activités agricoles et con- firme l’élevage comme principale activité des cultivateurs bien établis du canton. Les écarts importants quant aux terres défrichées s’expliquent ainsi davantage par la grandeur respective des cheptels bovins et ovins que par les indices relatifs aux récoltes. Dans ce contexte, la culture du blé et du seigle,72 dont les productions moyennes varient assez peu d’un groupe à l’autre, servirait principalement à la consommation familiale, les récoltes de maïs seraient surtout destinées à l’alimentation du bétail et la culture de la patate, fréquemment utilisée dans l’engraissement des porcs,73 remplirait une double fonction alimentaire. Quant aux espaces réservés aux récoltes de foin et aux pâturages, sur lesquels le recensement de 1831 ne nous informe pas, on peut supposer qu’ils varient avec l’importance des cheptels.74

Ces trois groupes de cultivateurs ont donc des pratiques agricoles de nature comparable et c’est au niveau quantitatif que les différences se font sentir. En ce sens, l’entretien de la famille demeurait l’objectif principal du groupe de cultivateurs le plus récemment établi (1825–1831), excluant par le fait même toute possibilité de commercialisation des produits de la ferme autre que la potasse.

Quant aux premiers colonisateurs (avant 1813), dont la période d’établissement proprement dite est terminée en 1831, ils possèdent en moyenne deux fois plus de terres cultivées que l’ensemble des colons et ils ont des récoltes et un cheptel bien plus abondants. Et avec 10 bêtes à cornes, 26 moutons et 4 porcs en moyenne, tout indique que la production agricole de la majorité d’entre eux s’oriente désormais vers le marché. Dans ce groupe, on remarque la présence de Joseph Kent, Simon et Stephen Door qui possèdent chacun 20 bêtes à cornes et de cinq éleveurs de plus de 30 moutons, dont un, Cyrus Alexander, en garde 75.

Il n’est pas facile de connaître la destination des surplus agricoles de ce groupe. On peut néanmoins souligner que très tôt Simon Door aurait expédié du beurre et du fromage à Montréal, que la tannerie mise sur pied par Harlow Miner en 1830 s’approvisionne en peaux sur le marché local, que l’élevage des moutons n’est sans doute pas étranger à l’apparition en 1829 du moulin à carder et à fouler de John Cowie et que les quelques gros produc- teurs de patates (500 bushels et plus) doivent certainement trouver un débouché pour leurs produits parmi les nouveaux arrivants.

Conclusion

La lenteur du peuplement du canton de Granby serait d’abord imputable à sa concession à des miliciens de Québec qui, pour la plupart, vendront rapidement leurs lots à des spéculateurs qui, eux, réclameront des prix élevés pour ces terres encore incultes. D’autre part, les conditions exigées pour la location des réserves de la Couronne et du Clergé, où le travail est récompensé par une hausse septennale des annuités, ont également dû décourager plusieurs colons. La mise en vente de ces réserves à des particuliers à partir de 1827 et à la British American Land Company quelques années plus tard confirme d’ailleurs l’échec de cette politique. En accaparant ainsi plus de 60% du territoire du Canton, spéculateurs, Couronne et Clergé ont donc freiné tout effort réel de colonisation.

Le mode d’appropriation des terres a également ralenti l’établissement des chemins essentiels à la colonisation, les propriétaires non-résidents se décourageant rapidement d’entretenir à grand frais des voies de communication efficaces. Durant plusieurs années, jusqu’au jour en fait où les premiers habitants établiront eux-mêmes une route, le canton de Granby demeure même un obstacle pour le développement des cantons situés plus à l’est (Shefford, Stukely, Bolton, etc.), empêchant ces populations naissantes de communiquer efficacement avec Montréal et le territoire seigneurial.

La valeur agricole des sols du canton de Granby et l’éloignement des marchés ont conduit à une spécialisation précoce dans l’élevage. Le conditionnement qu’exercent les caractéristiques pédologiques doit donc être mis en relation avec la répartition spatiale des marchés et avec l’établissement des voies de communication qui permettent d’y accéder. La région seigneuriale étant très bien pourvue de chemins durant la période, c’est dans cette direction que porteront les efforts de la mise en marché des premiers cultivateurs de Granby. Avec l’accroissement du peuplement du canton après 1825, on assiste également à l’établissement d’un marché local embryonnaire avec, entre autres, l’apparition de petites industries rurales (carderie et tannerie) dépendantes des surplus agricoles locaux. Bien que modestes, ces industries renforcent à leur tour les tendances à l’élevage en fournissant un débouché facile à la production excédentaire des fermes.

  1. Lower Canada Land Papers, (ci-après LCLP), RG1 L3L, vol. 52, p. 26 567, ANC. ↩︎
  2. Ibid., p. 26 600 ↩︎
  3. Ibid., p. 26 605-26 606 ↩︎
  4. “The lands recommended by the Committee for Colonel Caldwell were not north of Messrs. Porter and Austin as mentioned in the warrant, but those north of lands intended to be granted to holders of Loyalist certificates.” “Extract from Report of the Land Committee, dated 6th June 1792.” Ibid., p. 26 608. Le canton de Granby est borné au nord par le canton de Milton, au sud par celui de Farnham, à l’est par celui de Shefford et à l’ouest par la seigneurie de Saint-Hyacinthe. ↩︎
  5. Ibid., p. 26 610. ↩︎
  6. Ibid., p. 26 618. ↩︎
  7. Ibid., p. 26 622. ↩︎
  8. Ibid. ↩︎
  9. Jeremiah McCarthy. (1801). Plan and survey of the Township of Granby and Milton [Plan d’arpentage]. Fonds Ministère des Terres et Forêts (E21,S555,SS1,SSS1,PM.27A), BAnQ Québec. ↩︎
  10. Il s’agit ici des chiffres de J. C. Langelier (List of lands granted by the Crown in the Province of Quebec from 1763 to 31st December 1890, Québec, Charles-François Langlois, 1891, p. 970-974). Joseph Bouchette (Description topographique de la Province du Bas-Canada, Londres, W. Faden, 1815, p. lvi) parle plutôt d’une concession de 38 000 acres, ce qui paraît nettement exagéré, et le Comité des terres (LCLP, vol. 52) avance un chiffre de 32 655 acres, assez proche de celui de Langelier. ↩︎
  11. En 1823 et 1824, le gouvernement octroie 16 de ces lots à des résidents du canton de Granby ou de la région. “Land Petitions referred to Aux. Land Board, 1823-1826,” LCLP, vol. 3, p. 931-980. ↩︎
  12. Selon les directives gouvernementales de 1801, le chef de canton reçoit 1 200 acres, les officiers supérieurs 1 000 acres, les capitaines 700, les sous-officiers 500 et tous les autres, y compris les veuves mariées avant le blocus de 1775-76, obtiennent 400 acres. LCLP. ↩︎
  13. Ce chiffre de 16 550 acres, constitué à partir des indices recueillis dans les greffes de notaires et dans les livres d’enregistrement des terres du comté de Shefford, est une estimation minimale des terres qui furent rachetées aux concessionnaires originaux. ↩︎
  14. Les principaux acheteurs sont Josias Wurtele (8 200 acres), John Caldwell (5 200 acres) et Matthew McRider (1 400 acres). ↩︎
  15. Céline Cyr, « WURTELE, JOSIAS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003. ↩︎
  16. Ibid., Wurtele achète également des terres dans les cantons de Milton, de Windsor, de Somerset, de Chester, d’Auckland, de Stoke, de Nelson, d’Halifax et de Grantham. Avec Granby, ces achats totalisent plus de 50 000 acres. ↩︎
  17. Registres du comté de Shefford, vol. 4, Bureau d’enregistrement du comté de Shefford, Granby. ↩︎
  18. Pour plus de détails sur le capitaine John Savage, voir Marie-Paule R. LaBrèque, « SAVAGE, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003. ↩︎
  19. Céline Cyr, op.cit. ↩︎
  20. Josias Wurtele laissera ainsi en héritage à Jonathan, George et Christopher Wurtele et à Duncan C. Napier les 5 400 acres non vendues du canton de Granby. Notaire Henry Griffin, 22 janvier 1833, Registres du comté de Shefford, vol. 4, no. 1091. ↩︎
  21. En prêtant cette somme de 1 700 $ pour 25 ans à un taux annuel de 5%, Wurtele aurait obtenu 5 756 $ à la fin du terme. ↩︎
  22. Ce prix de vente moyen est confirmé dans une lettre de Wurtele à John Savage datée du 26 novembre 1806 dans laquelle il l’informe que quiconque aimerait obtenir des lots dans Granby ou Milton devra débourser 2 $ l’acre. John Savage Papers, 1776-1824, Collection of Brome County Historical Society, ANC. ↩︎
  23. Maurice Séguin, La nation canadienne et l’agriculture. Essai d’histoire économique, Trois-Rivières, Boréal Express, 1970, p. 193. ↩︎
  24. En 1805, Wurtele exige du colon qui veut obtenir un lot sur hypothèque de défricher et semer 12 acres et de construire une bonne maison dans un délai de 14 mois. Jacques Voyer. (1805, 21 septembre). No. 1708. Josias Wurtele à Caleb Putney. [Acte notarié]. Fonds Cour supérieure. District judiciaire de Québec. Greffes de notaires (CN301,S285), BAnQ Québec. ↩︎
  25. “…des townships furent concédés par lots aux miliciens qui vendaient généralement leurs titres à des spéculateurs pour peu de chose de plus que les frais de patente.” Ivanhoë Caron, “La colonisation du Canada sous le régime anglais (1800–1815),” Annuaire statistique de la Province de Québec, 1920, p. 621. ↩︎
  26. Jeremiah McCarthy. (1801). Plan and survey of the Township of Granby and Milton [Plan d’arpentage]. Fonds Ministère des Terres et Forêts (E21,S555,SS1,SSS1,PM.27A), BAnQ Québec. ↩︎
  27. C.M. Day, Pioneers of the Eastern Townships, Montréal, John Lovell, 1863, p. 71, 74, 75. ↩︎
  28. Lettre de Josias Wurtele à John Savage, 25 juillet 1806, John Savage Papers 1770-1859, Collection of Bishop’s University, ANC. ↩︎
  29. Charles Stewart, A short view of the present state of the Eastern Townships, Montréal, J. Hatchard, 1817, p. 12. ↩︎
  30. Joseph Bouchette. (1805). Connected plan of the several townships situated to the southward of the River St. Lawrence. [Carte]. Collection nationale de cartes et plans (H2/300/1805(1910) (Index and 6 sheets), Numéro de boîte : 2000209596). Bibliothèque et Archives Canada et Joseph Bouchette. (1815). Carte topographique de la province du Bas-Canada. Éditions Élysée. ↩︎
  31. Jonathan Herrick aurait effectué plusieurs travaux sur ce tronçon en 1812. “Indians camped at the top of Mountain Street,” The Leader Mail, 30 novembre 1966, p. 60. ↩︎
  32. Jules Martel, Histoire du système routier des Cantons de l’Est avant 1855, Mémoire de maîtrise, Université d’Ottawa, 1960, p. 168. ↩︎
  33. Harry B. Shufelt, Nicholas Austin the Quaker and the Township of Bolton, Knowlton, Brome County Historical Society (BCHS), 1971, p. 136. ↩︎
  34. Samuel Willard book of accounts 1817-1820, BCHS. ↩︎
  35. Lettre de John Dwyer de Saint-Hyacinthe à Samuel Willard, Willard Papers, no. 954, BCHS. ↩︎
  36. Samuel Willard book of accounts 1817-1820, BCHS. ↩︎
  37. “Road and Bridges, 1818,” vol. 14, 31 déc., cité par Jules Martel, op.cit., p. 170. ↩︎
  38. La “rod” ou “perch” est une mesure anglaise d’une longueur de 16,5 pieds (anglais). Pour de plus amples informations sur les poids et mesures en vigueur dans le Bas-Canada, voir Lester A. Ross, Métrologie archéologique: systèmes de poids et mesures anglais, français, américain et canadien pour l’archéologie historique de l’Amérique du Nord, Ottawa, Parcs Canada, 1983, p. 115. ↩︎
  39. Samuel Willard book of accounts, 1817-1820, BCHS. ↩︎
  40. “Roads and Bridges 1819-21,” vol. 15, rapport du 31 déc. 1819, cité par Jules Martel, op.cit., p. 171. ↩︎
  41. “La route que nous venons de faire est maintenant une bonne voie carrossable et a servi comme telle, mais nous savons par expérience qu’elle ne restera pas ainsi longtemps.” Ibid., p. 171. ↩︎
  42. En 1829, le gouvernement octroie 6 000 $ pour l’établissement d’une route du lac Massawippi à la montagne Yamaska. Dans Granby, cette route emprunte le tracé de l’“Outlet” et 700 $ y sont affectés pour la réparation et l’amélioration de 600 “rods” (1,9 milles) de chemin. Le travail des contracteurs Zepheniah Harvey et William Thomas du canton de Shefford consiste à déblayer, sur la longueur prévue, un passage de 60 pieds au milieu duquel ils établiront une route d’au moins 20 pieds de largeur et surélevée de deux pieds. Ils doivent également voir à la construction, en pin ou en cèdre, des ponts nécessaires. Richard Dickinson. (1829, 12 octobre). No. 16. Zepheniah Harvey and William Thomas to Samuel Willard [Acte notarié]. Fonds Cour supérieure. District judiciaire de Bedford. Greffes de notaires (CN502,S20), BAnQ Sherbrooke. ↩︎
  43. Le bureau d’enregistrement des terres du comté de Shefford ouvre en 1832 à Frost Village, mais on y retrouve quelques actes exécutés antérieurement. Le comté de Shefford date de 1829 et comprend les cantons de Granby, Shefford, Milton, Stukely, Ely, Roxton, Farnham et Brome. Depuis 1792, ce territoire était compris dans l’immense comté de Richelieu. ↩︎
  44. C.M. Day, History of the Eastern Townships, Montréal, John Lovell, 1869, p. 336-337. ↩︎
  45. Aimé Dorion, Les bâtisseurs de Granby, Granby, La Voix de l’Est, 1959, p. 11. ↩︎
  46. The Leader Mail, 30 novembre 1966, p. 60 ↩︎
  47. Recensement de 1831, bobine C-722, ANC. ↩︎
  48. “…if you wish to compleat Mr. C. Putney’s agreement …for the lot no. six in the sixth range, to clear and sow twelve acres from this day twelve months according to Mr. Putney’s agreement.” John Savage Papers 1776-1824, 26 novembre 1806, Collection of BCHS, ANC. ↩︎
  49. William Fisher Scott. (1814, 25 août). No. 514. Josias Wurtele to James Savage. [Acte notarié]. Fonds Cour supérieure. District judiciaire de Québec. Greffes de notaires BAnQ Québec. ↩︎
  50. Wurtele fait également défricher une terre par John Savage vers 1804 sans que nous sachions cependant si elle fut occupée: “I expect you have cleared my ten acres of land so as to be fit for sown (sic) this spring according to agreement of which you have received the most part payment for it….” John Savage Papers 1776-1824, mars 1805, Collection of BCHS, ANC. ↩︎
  51. Léon Lalanne. (1821, 10 juillet). Thomas A. Willis to Hazen Horner. [Acte notarié]. Fonds Cour supérieure. District judiciaire de Bedford. Greffes de notaires, (CN502,S26), BAnQ Sherbrooke. Dans le comté de Shefford, cette politique de location des réserves de la Couronne et du Clergé appliquée à partir du 30 mai 1804 fut loin d’être un succès. L’échec de cette mesure pourrait peut-être s’expliquer par les conditions spécifiques inscrites aux baux de location: “Les dits lots seront affermés pour l’espace de vingt années, à compter de l’expiration de trois mois après la date du bail. Les rentes réservées… seront les suivantes, c’est-à-dire: à raison de vingt-cing shellings courant de cette province, ou huit minots (la version anglaise du document parle de bushels, M.G.) de bon blé net, loyal et marchand (à l’option de la Couronne) par année pour chaque lot de deux cent acres …durant les sept premières années du dit terme de vingt années. À raison de cinquante shellings même cours, ou seize minots de blé, durant les sept années suivantes du dit bail; et à raison de soixante et quinze shellings, même argent courant, ou vingt-quatre minots de blé, pour les trois autres sept années du dit bail.” “Clergy Reserves, Leases and Rent rolls, 1803-1822,” vol. 26, LCLP, p. 13 998. ↩︎
  52. Léon Lalanne. (1814, 31 décembre). James Savage to Simon Door. [Acte notarié]. Fonds Cour supérieure. District judiciaire de Bedford. Greffes de notaires, (CN502,S26), BAnQ Sherbrooke. ↩︎
  53. Simon Door est alors résident du canton de Shefford, mais ses fils occuperaient un lot dans Granby dont il serait le propriétaire. ↩︎
  54. D.B. Cann et al., Études des sols des comtés de Shefford, Brome et Missisquoi dans la province de Québec, Ottawa, Ministère de l’agriculture, 1948, p. 94. ↩︎
  55. Raoul Blanchard, Le centre du Canada français, Montréal, Beauchemin, 1948, p. 275. ↩︎
  56. Quoique cette question soit beaucoup plus complexe qu’il y paraît à première vue: “La productivité de la terre dépend d’un certain nombre de facteurs, tels que les conditions climatériques générales, le type de sol, sa fertilité naturelle, la facilité du labour, la susceptibilité à l’érosion et le degré d’érosion, l’égouttement, le relief et la nature plus ou moins pierreuse du sol et les pratiques d’exploitation dont on se sert. Il faut ajouter à ces facteurs la qualité d’adaptation du sol aux récoltes, car chacun sait que certains sols s’adaptent mieux à certaines récoltes que d’autres. Certains sols s’adaptent bien à toute une variété de récoltes, tandis que sur d’autres on ne peut cultiver qu’une ou deux récoltes. Ainsi la sorte de récoltes que l’on cultive ou l’emploi que l’on fait de la terre ont une grande influence sur l’aptitude de la terre à produire des récoltes satisfaisantes. Le rendement de la ferme et, par conséquent, la valeur de la terre dépendent beaucoup de la productivité ou de la qualité d’adaptation de la terre, mais la valeur de la terre dépend à son tour dans une grande proportion de certains facteurs tels qu’une situation plus ou moins avantageuse concernant les facilités de transport et les marchés, les niveaux des prix en général pour les produits de la ferme et la préférence individuelle pour certains endroits et certains genres de culture.” D.B. Cann et al., op cit. p. 75. ↩︎
  57. “Les fermes, le long du chemin d’Abbotsford à Granby, sont sablonneuses et marécageuses. Elles viennent d’être défrichées, et les Canadiens français qui les possèdent devront attendre encore, avant de recevoir la récompense de leurs travaux.” Le Journal d’agriculture illustré, Montréal, Département de l’agriculture de la province de Québec, vol. III, no. 8 (sept. 1880), p. 118. ↩︎
  58. “There was no road through the “marsh” (1826), and to come to Granby Village, the people of this settlement had to make the long circuit around the place …known as Turner Robert’s Hill, and as they had to come across lots, they had, in a distance of two and a half miles, to take down and put up 26 sets of fence bars ….” “From Scotland do untrodden land,” The Leader Mail, 30 nov. 1966, p. 47. ↩︎
  59. Quoiqu’il s’agisse souvent davantage de cabanes que de maisons véritables: “Mr. Duncan built a log house and covered it with elm bark, with split basswood logs for flooring. He also built a log barn with a thatched roof.” “From Scotland to untrodden land,” op.cit. ↩︎
  60. La location d’un lot du Clergé est sans doute moins onéreuse, mais les mieux situées de ces terres sont occupées très tôt. Dès 1809 pour le 9e lot du 7e rang et 1814 pour le 7e lot du 6e rang. Léon Lalanne. (1814, 31 décembre). James Savage to Simon Door. [Acte notarié]. Fonds Cour supérieure. District judiciaire de Bedford. Greffes de notaires, (CN502,S26), BAnQ Sherbrooke. ↩︎
  61. “La valeur alimentaire d’un pâturage forestier est douteuse (…) les espèces ligneuses (arbres et arbustes) tiennent beaucoup de place, et donnent un faible rendement et un bas coefficient de digestibilité par suite de leur haute teneur en cellulose. La composition botanique est, elle aussi, défavorable: les bonnes herbes fourragères sont à la fois moins nombreuses et moins abondantes (…). Parallèlement, la valeur alimentaire de pâturages buissonneux et sur bûchés est souvent très faible aussi. À cet égard, ce sont les pâturages domestiqués qui donneront les meilleurs résultats.” Pierre Dansereau et Alain Gille, “Écologie des principaux types de pâturages des environs de Granby,” 2e partie, revue Agriculture, sept. 1948, p. 275-276. ↩︎
  62. F.-H. St-Germain, Charles Héon, fondateur de la paroisse St-Louis de Blandford, 1905, p. 163, cité par Dominique-Marie Doyon, “La fabrication de la potasse au Canada,” Les archives de folklore, Montréal, Fidès, 1949, p. 34. Dans la région, on pratique également le commerce de la cendre de bois qui, en 1819, se transige 0,03 $ le “Winchester bushel.” John Savage Papers, 1770-1859, Collection of Bishop’s University, ANC. ↩︎
  63. “Indians camped at top of Mountain Street,” op.cit. ↩︎
  64. Assez lucrative pour qu’en 1811 John Caldwell demande à John Savage, juge de paix, de poursuivre quiconque coupe du bois sur ses lots dans Granby, Farnham et Milton pour fabriquer de la potasse. John Savage Papers 1770-1859, Collection of Bishop’s University, ANC. ↩︎
  65. “Black salts were the poor settlers’ principal dependence, as they bore a high price and were always in demand. It has been estimated that the product of the ashes thus sold paid for the labor of clearing the farm; and this was a great help to the poor people when money was scarce and resources were few.” C.M. Day, op.cit., p. 190. ↩︎
  66. Journaux de l’Assemblée législative du Bas-Canada, (1832-1833), cité par Fernand Ouellet, Histoire économique et sociale du Québec, 1760-1850, T. 2, Montréal, Fidès, 1971, p. 360–361. ↩︎
  67. Le bushel, mesure anglaise, équivaut à 8 gallons (Winchester corn capacity system) ou à 35,237 litres. La mesure de capacité pour les matières sèches utilisée aux Etats-Unis (American dry capacity system) est équivalente au bushel Winchester. Lester A. Ross, op.cit., p. 32. ↩︎
  68. 66,8% pour la patate et 15,4% pour le mais. Recensement de 1831, bobine C-722, ANC. ↩︎
  69. Pour tout le canton, la récolte d’avoine totalise 576 bushels (28 producteurs). ↩︎
  70. L.N. Marcenac et H. Aublet, Encyclopédie du cheval, Paris, Librairie Maloine, 1969, p. 368. ↩︎
  71. Le recensement de 1831 ne nous informe pas sur l’espace réservé aux prairies à foin, aux pâturages, aux jardins et vergers, sur la culture des racines, sur les animaux de basse-cour, sur l’industrie domestique, etc. ↩︎
  72. Le seigle, qui n’exige pas un sol de grande fertilité, est une céréale bien adaptée aux conditions qui prévalent dans Granby. Sa très grande rusticité en fait également une culture idéale en période de colonisation. ↩︎
  73. 15 livres par jour par 100 livres de poids vif quand donnée seule.. ↩︎
  74. Un arpent de pâturage de bonne qualité produit l’équivalent de 1 800 à 2 000 livres de matières sèches et permet la paissance d’une bête à cornes durant une période de 90 à 100 jours. Sur un mauvais pâturage, la période de paissance n’excède pas 30 jours. Cours d’agriculture, vol. II, Institut agricole d’Oka, 1937, p. 359. Dans des conditions moyennes, on calcule que chaque tête de gros bétail exige annuellement 2,5 acres de prairie et de pâturage pour son alimentation et chaque mouton 0,42 acre. ↩︎